Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mars 2016 ;
2°) d'annuler la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 octobre 2015 qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen de l'erreur de fait sur sa date de naissance ;
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu préalablement et le principe du contradictoire ;
- elle est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur de fait sur sa date de naissance et le préfet n'a pas établi l'usurpation d'identité ;
- elle méconnaît son droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2015 portant refus de titre de séjour.
Sur la régularité du jugement :
2. Au point 4 du jugement, le tribunal administratif de Marseille a indiqué qu'à supposer que M. A... soit né le 19 avril 1997, il ressort des pièces du dossier qu'il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance après avoir atteint l'âge de seize ans et que, par suite, les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas méconnues. Ainsi, il s'est prononcé sur le moyen tiré de l'erreur de fait, relative à la date de la naissance du requérant, dont serait entaché l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en estimant qu'un tel moyen ne pouvait entraîner l'annulation de cet arrêté. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que le tribunal administratif n'aurait pas répondu à ce moyen.
Sur le bien fondé du jugement :
3. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
4. M. A... a pu, au soutien de sa demande de titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, présenter les éléments utiles relatifs à sa date de naissance, à son séjour en France et à sa vie familiale. Par suite, en ne convoquant pas M. A... afin de l'entendre avant de prendre la décision contestée, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a méconnu ni les droits de la défense ni le principe du respect du contradictoire.
5. En deuxième lieu, dans la motivation de l'arrêté du 29 octobre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a rappelé les allégations de M. A... relatives à la date de sa naissance et à son entrée en France. Il a également expliqué les motifs pour lesquels il estimait que M. A... est né le 7 mai 1988 et que le passeport qu'il présente est un faux document. Il ressort de cette motivation et des autres pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen particulier de la demande dont il était saisi avant de la rejeter.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée (...) ".
7. A supposer même que M. A... soit né le 19 avril 1997, il ressort des pièces du dossier qu'il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance après avoir atteint l'âge de seize ans. Par suite, l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet des Bouches-du-Rhône en estimant, sans établir l'usurpation d'identité, qu'il est né le 7 mai 1988 n'a pas eu d'incidence sur la décision de rejet de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions précédemment mentionnées.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé ".
9. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. En l'espèce, M. A... n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent. En outre, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas examiné la demande dont il était saisi sur le fondement de telles dispositions. Enfin, l'arrêté en litige ne contient aucune décision portant obligation de quitter le territoire français dont M. A... pourrait demander l'annulation au motif que la loi prescrirait qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour et, en tout état de cause, les dispositions précédemment citées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un tel titre. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser au conseil de M. A... au titre des frais non compris dans les dépens qu'il aurait exposés s'il n'avait pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., Me B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 octobre 2018.
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N° 16MA02956
jm