Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2017, M. B..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 1er mars 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 611-1-1 du code de justice administrative faute pour le préfet d'avoir fait procéder aux vérifications nécessaires avant de conclure qu'il ne peut justifier d'un document d'identité ou de voyage valide ;
- le risque de fuite n'est pas établi ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de fait en ce qui concerne l'absence de document d'identité ou de voyage en cours de validité, la possibilité pour sa fille de bénéficier d'un traitement médical au Maroc et l'absence de contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'intérêt supérieur de sa fille mineure, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en assortissant l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour ;
- la durée de l'interdiction de retour prononcée à son encontre présente un caractère disproportionné ;
- la décision portant interdiction de retour méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Carotenuto a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 17 mars 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2017 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la fille de M. B..., Abeer, née le 10 novembre 2012, a souffert de graves problèmes de santé ayant nécessité une intervention chirurgicale en 2013 ; qu'elle souffre actuellement d'une hypertension artérielle résiduelle nécessitant un suivi trimestriel et un traitement médicamenteux ; que le requérant établit que ces médicaments ne sont pas disponibles sous la forme pédiatrique au Maroc, seul traitement approprié compte tenu de l'âge de l'enfant ; qu'en outre, si les principes actifs entrant dans la composition de ces médicaments seraient disponibles en Espagne, où la mère de l'enfant, en situation irrégulière en France, est légalement admise à séjourner, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils le seraient au Maroc, seul pays dans lequel M. B... est légalement admissible ; que le préfet s'est borné à produire en première instance la réponse du conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France du ministère de l'intérieur, datée du 24 avril 2015, à la demande de renseignements sur l'" offre de soins en Espagne " qu'il avait présentée et qui indique, de façon générale, que les principes actifs entrant dans la composition des médicaments sont " courants et disponibles aussi bien en Espagne... qu'au Maroc ", alors qu'il ressort de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé rendu le 1er septembre 2014 qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays d'origine ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté contesté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, a nécessairement pour effet de le séparer de son enfant Abeer, qui doit être suivie médicalement en France, et porte ainsi atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2017 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai ; que, par voie de conséquence, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale et doit être annulée ; que M. B... est dès lors fondé à demander tant l'annulation du jugement que de l'arrêté du 1er mars 2017 du préfet de l'Hérault ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Considérant que M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ruffel, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Ruffel de la somme de 1 500 euros ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 17 mars 2017 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 1er mars 2017 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Ruffel la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la perception de cette somme valant renonciation à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Ruffel et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 17MA03347
mtr