Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 2 juin 2015 sous le n° 15MA02256, M.B..., représenté par Me Gonand, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 avril 2015 ;
2°) d'annuler les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français du préfet des Bouches-du-Rhône du 6 août 2014 ;
3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur de droit et d'une erreur de fait quant à la nature de ses contrats de travailleur saisonnier ;
- en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant d'examiner sa demande au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et d'exercer son pouvoir de régularisation exceptionnelle ;
- le préfet, en s'abstenant de procéder à l'instruction de sa demande d'autorisation de travail, a commis une erreur de droit ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour, compte tenu de la durée de son séjour en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 2 juin 2015 sous le n° 15MA02258, M.B..., représenté par Me Gonand, demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du 23 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ;
2°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il est fondé à demander le sursis à l'exécution du jugement en cause ;
- l'exécution de ce jugement risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens d'annulation sur lesquels est fondée sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les observations de MeC..., substituant Me Gonand, représentant M.B....
1. Considérant que par un arrêté en date du 6 août 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B..., né en 1963, de nationalité tunisienne, et a obligé l'intéressé à quitter le territoire français ; que par requête enregistrée sous le n° 15MA02256, M. B... relève appel du jugement du 23 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ; que par requête enregistrée sous le n° 15MA02258, il demande qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement ;
Sur la jonction :
2. Considérant que les requêtes n° 15MA02256 et 15MA02258 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la requête n° 15MA02256 :
3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B...avant de rejeter sa demande de titre de séjour et de l'obliger à quitter le territoire français ;
4. Considérant que la circonstance que le préfet aurait regardé à tort le requérant comme ayant bénéficié de contrats d'introduction de travailleur saisonnier au cours des années 1999 à 2012 est en tout état de cause sans incidence sur la légalité des décisions critiquées ;
5. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien susvisé : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
6. Considérant que M. B...fait état des périodes durant lesquelles il a exercé en France une activité professionnelle en tant qu'ouvrier agricole depuis 1999 et de sa participation au développement économique de la France, et soutient que le centre de ses attaches et intérêts personnels se trouve en France, dès lors que son frère est titulaire d'une carte de résident ; que toutefois, le requérant, qui ne conteste ni avoir fait usage d'un titre de séjour falsifié à compter de l'année 2010, ni ne pas s'être conformé à une précédente mesure d'éloignement, en date du 21 juillet 2010, et dont l'épouse et les deux enfants résident en Tunisie, ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, et ceci compte tenu même des circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressé postérieures aux manoeuvres frauduleuses relevées par l'autorité administrative ; que dans ces circonstances, le préfet des Bouches-du-Rhône, en rejetant la demande de titre de séjour de M. B... et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de sa décision et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, les décisions critiquées ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant que le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur un autre fondement que celui de la demande ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'il aurait dû rechercher si M. B...pouvait être admis au séjour en qualité de salarié ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant que M.B..., qui a présenté le 30 janvier 2014 une demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, ne démontre pas, par la seule production de la copie d'une demande d'autorisation de travail, avoir présenté cette dernière demande au préfet ; que, par suite et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de séjour de M.B..., le préfet se soit cru tenu de prendre cette décision et ait ainsi méconnu son pouvoir de régularisation ;
10. Considérant que M. B..., qui ne démontre pas avoir présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour, ne saurait en tout état de cause utilement soutenir que le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
Sur la requête n° 15MA02258 :
12. Considérant que, dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement n° 1501093 du 23 avril 2015 du tribunal administratif de Marseille, la requête n° 15MA02258, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement, est devenue sans objet ; qu'il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la Cour fasse droit aux conclusions présentées à leur titre par Me Gonand, avocat de M.B... ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15MA02258.
Article 2 : La requête n° 15MA02256 de M. B...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016 où siégeaient :
- M. Martin, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carotenuto, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 février 2016.
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N° 15MA02256, 15MA02258 2
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