Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mai 2018, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2018 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- c'est à tort et en méconnaissance des droits de la défense que les premiers juges ont accueilli la demande de substitution de base légale présentée par l'administration ;
- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est estimée à tort incompétente, entachant ainsi d'irrégularité la procédure d'imposition ;
- la composition de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est irrégulière ;
- il est fondé à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-CF-CMSS-20-20-10 ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée dès lors qu'elle se réfère à un texte inapplicable ;
- l'avis de la commission des impôts du 27 mars 2013, concernant un confrère exerçant son activité dans une situation semblable à la sienne et tendant à l'abandon des rehaussements procédant de la remise en cause de la déductibilité des charges que l'administration fiscale a suivi, constitue une prise de position formelle ;
- il est fondé à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-SI-RES-10-20-10 ;
- il appartient à l'administration d'établir qu'il n'est pas implanté en zone franche urbaine dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est déclarée incompétente ;
- l'administration ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts pour lui refuser le bénéfice de l'exonération alors qu'il relève de l'article 44 octies ;
- il satisfait au critère de la réalisation d'au moins 25 % du chiffre d'affaires au sein de la zone franche urbaine et il dispose de véritables locaux et moyens d'exploitation au sein de la zone franche urbaine ;
- les réponses ministérielles invoquées par l'administration ne sont pas applicables et ne peuvent imposer des conditions supplémentaires pour bénéficier d'une exonération ;
- il remplit les conditions d'exonération prévues par la doctrine administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carotenuto,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me A... substituant Me B... représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., qui exerce à titre libéral la profession d'infirmier, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause, pour les années 2009 et 2010, la déductibilité de certaines charges ainsi que l'exonération d'impôt sur le revenu dont il avait bénéficié sur le fondement de l'article 44 octies du code général des impôts à raison de son implantation dans une zone franche urbaine. M. C... relève appel du jugement du 14 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 à la suite de ce contrôle.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".
3. Il résulte de ces dispositions que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition suivie et ne sont pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission mais peuvent seulement modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait siégé dans une composition irrégulière préjudiciable au respect des droits de la défense de M. C... lorsqu'elle a émis son avis le 12 mars 2014, est, en tout état de cause, inopérant au soutien de la demande en décharge de l'imposition supplémentaire en litige.
4. En deuxième lieu, les moyens tirés de ce que la proposition de rectification du 18 juin 2012 serait insuffisamment motivée et de ce que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires se serait déclarée à tort incompétente s'agissant du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 octies du code général des impôts doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif respectivement au point 8 et aux points 12 et 13 du jugement attaqué.
5. En troisième lieu, M. C... ne peut se prévaloir, en tout état de cause, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-CF-CMSS-20-20-10 publiée le 12 septembre 2012 qui est relative à la procédure d'imposition.
Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :
En ce qui concerne l'exonération des entreprises implantées dans les zones franches urbaines :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 44 octies du code général des impôts applicable à l'année d'imposition en litige : " I. Les contribuables qui exercent ou créent des activités avant le 31 décembre 2001 dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 modifié de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste figure au I de l'annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone (...). / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais exercée en tout ou partie en dehors des zones franches urbaines, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein, ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines. (...) V. - Les dispositions des I à IV sont applicables aux contribuables qui créent des activités entre le 1er janvier 2002 et la date de publication de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances dans les zones franches urbaines visées au premier alinéa du I. ". Pour le bénéfice de cette exonération, l'implantation d'une activité en zone franche urbaine, en l'absence de salarié, s'apprécie au regard de tous éléments pertinents, notamment de la situation des locaux et des moyens d'exploitation utiles à cette activité et de son lieu d'exercice effectif.
7. L'administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition.
8. La demande de substitution de l'article 44 octies du code général des impôts à l'article 44 octies A du même code présentée par l'administration et accueillie par les premiers juges n'a privé M. C... d'aucune des garanties en matière de procédure d'imposition dès lors que la procédure contradictoire lui a été appliquée. En outre, ce dernier a pu discuter de cette demande de substitution de base légale devant les premiers juges. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en méconnaissance des droits de la défense, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli favorablement la demande de substitution de base légale présentée par l'administration. Par ailleurs, l'administration pouvant faire état d'une base légale autre que celle initialement retenue à tout moment de la procédure sans être tenue d'adresser une nouvelle proposition de rectification, le requérant ne peut utilement faire valoir que la proposition de rectification qui lui a été adressée est dépourvue de base légale.
9. Pour l'application de l'article 44 octies du code général des impôts et sans qu'y fasse obstacle l'avis du 12 mars 2014 de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui s'est déclarée incompétente s'agissant du bénéfice de l'exonération, il n'y a pas lieu, comme le soutient le requérant, de faire peser la charge de la preuve sur l'administration. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si le contribuable remplit les conditions légales d'une exonération.
10. D'une part, l'administration fiscale, pour remettre en cause le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 octies du code général des impôts, s'est bornée à appliquer la loi fiscale et n'a pas invoqué sa propre doctrine.
11. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. C... appartenait à une société civile de moyens sise 181 bis boulevard de l'Ariane à Nice, que cette société n'a aucun personnel, que le local situé à cette adresse n'est ouvert qu'une heure par jour de 11 h 30 à 12 h 00 et de 17 h 30 à 18 h et que les appels téléphoniques sont directement transférés sur les téléphones mobiles des infirmiers appartenant à la société civile de moyens. Si le requérant se prévaut d'un contrat de bail conclu par cette société, il ne le produit pas et verse au dossier une décision du 21 décembre 2009 relative au transfert du siège social de la société civile de moyens au 181 boulevard de l'Ariane. Il ne résulte d'aucun élément produit que M. C... aurait disposé d'un véritable local professionnel à cette adresse et des moyens d'exploitation utiles à l'exercice de son activité. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 octies du code général des impôts en l'absence d'implantation de l'activité professionnelle de M. C... en zone franche urbaine.
12. En second lieu, M. C... se prévaut de l'interprétation administrative de la loi fiscale telle qu'elle ressort de l'instruction du 30 mars 1998 référencée 4 A-4-98, de l'instruction du 6 octobre 2004 référencée 4 A-8-04, de l'instruction du 6 février 2007 référencée 4 A-1-07, du Bulletin officiel des impôts, BOI-BIC-CHAMP-80-10-20-20 et BOI-BIC-CHAMP-80-10-20-10 publié le 25 juin 2014. Il ne résulte pas de ces instructions une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application dont le requérant pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, le bulletin officiel du 25 juin 2014 est postérieur à l'année d'imposition en litige.
En ce qui concerne la déduction de frais professionnels :
13. En premier lieu, pour contester la remise en cause par l'administration de la déductibilité de frais professionnels, M. C... se prévaut sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales de l'appréciation qui aurait été portée par l'administration fiscale en prononçant un dégrèvement par décision du 17 juin 2014 à la suite d'un avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires donné sur la situation d'un autre contribuable. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 5 et 6 du jugement attaqué.
14. En second lieu, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOI-SI-RES-10-20-10 publiée le 12 septembre 2012, postérieure à l'année d'imposition en litige.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige et les dépens :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
17. Aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance. Par suite, les conclusions tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
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N° 18MA02220
mtr