Procédure devant la Cour avant renvoi :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2014 et un mémoire enregistré le 14 mars 2015, la SARL Le Saint-Trop, représentée par Me DiDio, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les avances sans intérêts qui lui ont été consenties par la SARL Le Panoramique et la SARL Gavanon, auxquelles elle donne en location des fonds de commerce, constituent des prêts remboursables et non des suppléments de loyers ;
- les consommations d'eau de la SARL Le Panoramique et de la SARL Gavanon constituent des charges déductibles ;
- l'inscription de la dette de 111 810 euros au bilan du 31 décembre 2007 est fondée et justifiée ;
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le compte " Taxe sur la valeur ajoutée à décaisser " ne pouvait comporter la somme de 34 877 euros qui était prescrite ;
- les pénalités de 40 % qui lui ont été assignées ne sont ni suffisamment motivées ni fondées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 octobre 2014 et le 17 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il demande, dans l'hypothèse où la Cour déciderait de réduire les impositions de l'année 2005, et compte tenu d'une erreur survenue dans le calcul d'un dégrèvement, la compensation à concurrence de la somme de 1 071 euros en droits et pénalités.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Le Saint-Trop ne sont pas fondés.
Un mémoire a été présenté par la SARL Le Saint-Trop le 14 mars 2016 après clôture de l'instruction.
Par un arrêt n° 14MA02700 du 7 avril 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a déchargé la SARL Le Saint-Trop en droits et pénalités, de la différence entre la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 et celle résultant de la réduction en base de cet impôt au titre de l'année 2007 de la somme de 111 810 (cent onze mille huit cent dix) euros, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par une décision n° 400386 du 17 novembre 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé, sur pourvoi du ministre des finances et des comptes publics, cet arrêt du 7 avril 2016 et a renvoyé l'affaire à la Cour.
Procédure devant la Cour après renvoi :
La requête de la SARL Le Saint-Trop a été enregistrée sur renvoi du Conseil d'Etat au greffe de la Cour le 24 novembre 2017.
Par un mémoire, enregistré le 24 janvier 2018, la SARL Le Saint-Trop représentée par Me D... conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 5 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics persiste dans ses conclusions tendant au rejet de la requête de la SARL Le Saint-Trop par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la SARL Le Saint-Trop.
1. Considérant que la société Le Saint-Trop qui exerce une activité de loueur de fonds de commerce de restauration a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 au terme de laquelle lui ont été réclamés des suppléments de cotisations à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ainsi que des pénalités pour manquement délibéré ; que, par jugement du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ; que, par arrêt n° 14MA02700 du 7 avril 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a fait partiellement droit à l'appel interjeté par la société en réduisant les bases d'imposition d'un montant de 111 810 euros correspondant à une somme figurant au passif du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2007 que l'administration avait considérée comme un passif injustifié ; que, par décision n° 400386 du 17 novembre 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur pourvoi du ministre des finances et des comptes publics, a annulé cet arrêt au motif que la Cour avait dénaturé les pièces du dossier et a renvoyé l'affaire à la Cour ;
Sur la régularité du jugement :
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL Le Saint-Trop a pris à bail un local commercial situé à Carry le Rouet ; qu'elle est propriétaire du fonds de commerce attaché à ce local ; qu'elle a donné en location, par bail enregistré à la recette de Martigues le 8 avril 1991, ce fonds de commerce à la SARL Gavanon, qui occupe le rez-de-chaussée des locaux, et à la SARL Le Panoramique, qui en occupe le premier étage ; qu'il a été constaté par l'administration que la SARL Le Saint-Trop avait perçu en plus des loyers prévus par le bail les sommes de 40 000 euros en 2005, de 29 600 euros en 2006 et de 30 000 euros en 2007 versées pour moitié par chacune des deux sociétés et que les trois sociétés entretenaient des liens commerciaux et possédaient des associés communs, la SARL Gavanon étant associée de la SARL Le Saint-Trop et M. C..., associé de la SARL Le Panoramique, étant aussi associé de la SARL Le Saint-Trop ; que les sommes versées par un locataire au propriétaire du bien pris en location sont présumées être des loyers ; que le contrat de prêt censé justifier les allégations de la requérante a été enregistré postérieurement à l'engagement du contrôle ; que, de la même manière, il n'est justifié d'aucun remboursement avant cette date ; que la requérante n'anéantit donc pas la présomption attachée aux sommes dont il s'agit ; qu'elles doivent, par suite, être regardées comme des suppléments de loyers imposables ; que demeure sans incidence, à cet égard, la circonstance que les sommes versées par la SARL Le Panoramique figurent à l'actif de son bilan ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté le moyen tiré de ce que les sommes en cause constitueraient des avances consenties par la SARL Gavanon et la SARL Le Panoramique et non des suppléments de loyers ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la SARL Le Saint-Trop a comptabilisé en charges les consommations d'eau de la SARL Gavanon et de la SARL Le Panoramique pour des montants de 5 184 euros en 2005, 7 362 euros en 2006 et 9 237 euros en 2008 ; qu'elle ne conteste pas ne pas avoir refacturé ces mêmes charges aux sociétés locataires ; que cette prise en charge n'était pas stipulée dans les contrats de location ; que, pas davantage en appel que devant les premiers juges, la SARL Le Saint-Trop ne justifie sérieusement de l'intérêt pour elle d'avoir renoncé aux recettes correspondantes ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle était bien fondée à déduire de son résultat les dépenses dont il s'agit ;
4. Considérant, en troisième lieu, que s'agissant de l'écriture de passif de 111 810 euros figurant au passif du bilan de la société au 31 décembre 2007 correspondant au solde des sommes dues au titre de l'exécution du plan de redressement pour sa partie relative au remboursement des dettes de l'entreprise ; que la charge d'établir le bien-fondé de l'écriture en cause est supportée par la requérante ; que l'administration produit un certificat en date du 6 décembre 2007 du comptable public du service des impôts des entreprises de Martigues attestant que la dette fiscale de la société Le Saint-Trop afférente au plan de redressement était éteinte à cette date ; que la société qui ne verse pas au dossier l'état des créances produites ne justifie pas de la persistance de dettes étrangères à l'impôt fondant l'écriture dont il s'agit ; qu'ainsi l'administration fiscale était fondée à regarder la somme en cause comme étant injustifiée et pouvait la réintégrer dans l'actif net de la société au titre de l'exercice clos en 2007 ; que c'est, par suite, à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de la demande se rattachant à ce chef de rectification ;
Sur l'application des pénalités :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du manquement délibéré reproché au contribuable ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79 587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...). " ;
6. Considérant qu'en relevant que la SARL Le Saint-Trop pouvait se voir appliquer les pénalités pour manquement délibéré prévu par l'article 1729 du code général des impôts en raison de ce qu'elle ne pouvait ignorer que les sommes inscrites au passif n'étaient pas justifiées, que les charges inscrites en comptabilité n'étaient pas engagées dans l'intérêt de la société et que les encaissements reçus des sociétés locataires ne pouvaient être assimilés à des prêts mais constituaient des suppléments de loyers, le vérificateur a suffisamment motivé les pénalités infligées à la société et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
7. Considérant qu'eu égard aux éléments que le vérificateur a retenus pour justifier l'application des majorations, l'administration doit être regardée comme ayant établi que le comportement de la SARL Le Saint-Trop visait délibérément à éluder l'impôt ; que l'administration doit, en conséquence, être regardée comme établissant le bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Le Saint-Trop n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par voie de conséquence être accueillies ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Le Saint-Trop est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Saint-Trop et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 avril 2018.
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N° 17MA04557
nc