Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 janvier 2016 et le 15 mai 2017, le département des Bouches-du-Rhône, représentés par la SCP Lesage, Berguet, Gouard-Robert, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2015 ;
2°) de condamner la SAS Bouygues Bâtiment Sud-Est, venant aux droits de la société GFC, à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 1 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les travaux publics à l'origine des dommages avaient été réceptionnés sans réserve à la date d'introduction de la requête de première instance ;
- il est bien fondé à appeler en garantie l'entreprise chargée des travaux à l'origine du dommage sur le fondement de la responsabilité décennale ;
- l'effondrement du mur démontre qu'il était impropre à sa destination ;
- les sommes allouées au titre des préjudices subis ne tiennent pas compte des provisions allouées et sont excessives.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2016, la SAS Bouygues Bâtiment Sud-Est, venant aux droits de la société GFC, représentée par la SCP de Angelis, Semidei, Vuillquez, Habart-Melki, Bardon, de Angelis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- au jour de l'accident, les travaux n'étaient pas réceptionnés ;
- aucun vice de construction ne peut lui être imputé ;
- le mur n'était pas affecté d'un vice caché ;
- le département a commis une faute en faisant une utilisation du mur non conforme à sa destination ;
- le rapport d'expertise médicale ne lui est pas opposable ;
- les préjudices sont surévalués.
Par un mémoire, enregistré le 20 février 2017, M. et Mme D...et MlleD..., représentés par MeE..., demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête du département des Bouches-du-Rhône ;
2°) de réformer le jugement du 16 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité aux sommes de 14 200 euros et 100,87 euros les indemnités au versement desquelles il a condamné le département des Bouches-du-Rhône en réparation du préjudice subi respectivement par Mlle D...et par MmeD... ;
3°) de porter à la somme de 42 000 euros le montant de l'indemnité due à Mlle D... et à la somme de 624,12 euros le montant de l'indemnité due à Mme D...;
4°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité du département des Bouches-du-Rhône est engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;
- le lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage est établi ;
- les sommes allouées au titre des préjudices subis sont insuffisantes.
La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me C...substituant Me E...représentant M et Mme D... et de Me F...représentant Bouygues Bâtiment Sud Est.
Considérant ce qui suit :
Sur le bien fondé du jugement
En ce qui concerne la responsabilité :
1. Mlle D...alors âgée de douze ans a été victime, le 4 janvier 2010, d'un accident au collège Arc de Meyran à Aix-en-Provence dont est maître d'ouvrage le département des Bouches-du-Rhône. Le département des Bouches-du-Rhône ne conteste pas en appel le principe de sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices :
2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 25 juillet 2014, que MlleD..., devenue majeure en cours d'instance devant le tribunal, a subi un déficit fonctionnel temporaire total de 10 jours et plusieurs périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel aux taux de 50% pendant 45 jours, de 33% pendant 60 jours et de 10% pendant 497 jours. En allouant à l'intéressée une somme de 1 400 euros, le tribunal a fait une appréciation suffisante de la gêne occasionnée pendant ces périodes.
3. A...D...a enduré des souffrances et subi un préjudice esthétique temporaire estimés respectivement à 3,5 et à 3 sur une échelle de 1 à 7. Le tribunal a fait une évaluation, qui n'est ni insuffisante ni excessive, des préjudices subis à ce titre en fixant les indemnités aux sommes de 4 200 euros et 800 euros.
4. MlleD..., âgée de quatorze ans à la date de consolidation fixée au 4 septembre 2011, présente un déficit fonctionnel permanent de 5 %. En fixant à 5 300 euros, le montant de l'indemnité due en réparation de ce préjudice par le département des Bouches-du-Rhône, le tribunal en a fait une évaluation qui n'est pas insuffisante.
5. Compte tenu de l'évaluation à 3,5 sur une échelle allant de 1 à 7, du préjudice esthétique permanent subi par A...D..., les premiers juges ont fait une appréciation suffisante de celui-ci en l'évaluant à la somme de 2 500 euros.
6. Mme D...a obtenu de son employeur, pour lui permettre de s'occuper de sa fille, un congé de maladie ordinaire pendant 59 jours du jour de l'accident au 15 mars 2010 puis une absence pour congé exceptionnel pour garde d'enfant malade pendant 15 jours. Il y a lieu de lui accorder la somme de 480 euros correspondant au montant net de la perte de prime au titre de l'année 2010 du fait de son absence qui est en lien direct avec l'accident.
En ce qui concerne l'appel en garantie :
7. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. Toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.
8. Il est constant que les travaux de la phase 1 relative à la réhabilitation du bâtiment de l'externat du collège dans lequel était scolarisée A...D...ont été exécutés par la société GFC, aux droits de laquelle vient la SAS Bouygues Bâtiment Sud-Est, et ont été réceptionnés par le département des Bouches-du-Rhône le 4 mai 2010. Les réserves ont été levées le 14 juin suivant. Le département des Bouches-du-Rhône n'invoque ni fraude ni dol de la SAS Bouygues Bâtiment Sud-Est. Par ailleurs, la cloison auto-stable des toilettes provisoires, construite pendant la phase 1 et dont l'effondrement est à l'origine du sinistre, n'est pas un élément constitutif de l'ouvrage, objet du marché de travaux. Par suite, les dommages résultant des travaux de réalisation de ce mur ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité décennale de la SAS Bouygues Bâtiment Sud-Est. Il suit de là que le département des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal a rejeté sa demande d'appel en garantie.
9. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le département des Bouches-du-Rhône est seulement fondé à demander que les provisions de 3 000 euros et de 1 000 euros que l'arrêt n° 11MA02206 du 15 décembre 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille a accordées respectivement à Mlle D... et à Mme D... soient déduites des indemnités mises à sa charge. D'autre part, il y a lieu de porter à la somme de 480 euros le montant de l'indemnité due par le département des Bouches-du-Rhône à MmeD..., sous déduction de la provision de 1 000 euros qui lui a été accordée par l'arrêt du 15 décembre 2011. Enfin, Mlle D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a limité à 14 200 euros le montant de l'indemnité que le département a été condamné à lui payer et dont il y a lieu de déduire la provision de 3 000 euros qui lui a été accordée par l'arrêt du 15 décembre 2011. Il convient de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2015.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties en litige la charge de ses propres frais de procédure et de rejeter les conclusions qu'elles ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La provision de 3 000 euros que le département des Bouches-du-Rhône a été condamné à verser à Mlle D...par l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 décembre 2011 sera déduite de la somme de 14 200 euros que le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2015 a mise à la charge du département.
Article 2 : La somme que le département des Bouches-du-Rhône a été condamné à verser à Mme D... par le jugement du tribunal administratif de Marseille est portée à 480 euros, sous déduction de la provision de 1 000 euros que l'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 décembre 2011 a mise à la charge du département.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du département des Bouches-du-Rhône et des conclusions présentées par Mlle D... et Mme D... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au département des Bouches-du-Rhône, à Mlle A... D..., à M. et Mme B...D..., à la SAS Bouygues Bâtiment Sud-Est et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018 où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
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N° 16MA00158