Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 20 avril 2017 sous le n° 17MA01631, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 mars 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 7 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile dans un délai de 72 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a méconnu l'intérêt supérieur de son fils, garanti par la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu la notion de famille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 4 mai 2017 sous le n° 17MA01951, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du 21 mars 2017 par lequel le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation au regard de sa demande d'asile en France ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution de ce jugement risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens d'annulation sur lesquels est fondée sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que par un arrêté en date du 7 février 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. A..., né en 1989, de nationalité turque, à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination ; que par requête enregistrée sous le n° 17MA01631, M. A... relève appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que par requête enregistrée sous le n° 17MA01951, il demande qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement ;
Sur la jonction :
2. Considérant que les requêtes n° 17MA01631 et 17MA01951 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la requête n° 17MA01631 :
En ce qui concerne l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) " ; qu'aux termes de l'article 62 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. Lorsque la décision est prononcée par le bureau ou la section du bureau, copie de cette décision est adressée par le secrétaire du bureau au greffier ou au secrétaire de la juridiction compétente lequel classe cette décision au dossier de procédure. / L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué " ;
4. Considérant qu'en l'absence d'urgence et eu égard aux circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'admettre provisoirement M. A... à l'aide juridictionnelle ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 7 février 2017 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... fait notamment valoir qu'il vit avec une compatriote, réfugiée en France, avec laquelle il a eu un enfant, Servan, né en France le 11 octobre 2014, et avec qui il a conclu le 24 mai 2016 un pacte civil de solidarité ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'exécution de la décision litigieuse aurait pour effet de priver durablement l'enfant de M. A... de la présence de son père, dont il n'est pas contesté qu'il participe à son éducation, en l'absence de possibilité de reconstitution de la cellule familiale en Turquie en raison de la qualité de réfugiée de sa compagne ; que, par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision en litige ;
7. Considérant que M. A... est donc fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Considérant qu'en vertu de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, lorsqu'une obligation de quitter le territoire est annulée, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur la requête n° 17MA01951 :
9. Considérant que, dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement n° 1700927 en date du 21 mars 2017 du tribunal administratif de Marseille, les conclusions de la requête n° 17MA01951 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17MA01951 tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1700927 du 21 mars 2017 du tribunal administratif de Marseille.
Article 2 : Le jugement n° 1700927 du 21 mars 2017 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 3 : L'arrêté pris à l'encontre de M. A... par le préfet des Bouches-du-Rhône le 7 février 2017 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 17MA01631 et 17MA01951 est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 février 2018, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 février 2018.
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N° 17MA01631, 17MA01951