Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... en première instance.
Il soutient que M. A... était susceptible de faire l'objet d'une décision de remise aux autorités italiennes sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Bouches-du-Rhône fait appel du jugement du 19 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de M. D... A... et annulé l'arrêté du 14 juin 2019 par lequel il a prévu sa remise aux autorités italiennes.
2. L'article 18, paragraphe 1, du règlement (UE) n ° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride prévoit que : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) / reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ".
3. L'article 20, paragraphe 5, du même règlement prévoit que : " L'État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l'État membre responsable. "
4. Le paragraphe 1 de l'article 24, relatif à la présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande n'a été introduite dans l'État membre requérant, dispose ensuite que : " Lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. "
5. Le paragraphe 1 de l'article 26, relatif à la notification de la décision de transfert, prévoit que : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. "
6. Le paragraphe 1 de l'article 27, relatif aux voies de recours, prévoit que : " Le demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. "
7. Enfin, le paragraphe 1 de l'article 29, relatif aux modalités et délais du transfert, prévoit que : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. "
8. Par ailleurs, l'article 2 du règlement définit le " demandeur " au sens de celui-ci comme " le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n'a pas encore été statué définitivement ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant malien, a demandé l'asile en Italie et s'est vu délivrer en cette qualité le 8 mai 2019 un titre de séjour italien valable jusqu'au 7 novembre 2019. Se trouvant sans titre de séjour sur le territoire français, M. A... entre dans le cas prévu à l'article 18, paragraphe 1, point b) du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il entre en outre, en tant que demandeur au sens du règlement, dans le champ des articles 26 et 27 de ce dernier.
10. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les dispositions précitées du règlement n ° 604/2013 du 26 juin 2013, dont les articles 26, 27 et 29 renvoient à plusieurs reprises au droit national, n'excluent pas par elles-mêmes que le transfert d'un demandeur d'asile soit réalisé sur le fondement d'une disposition de droit national, telle qu'en l'espèce l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant que ce transfert respecte tant les conditions posées par ce règlement que celles posées par le droit national qui ne sont pas incompatibles avec ce dernier.
11. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne, par un arrêt C-647/16 du 31 mai 2018, a dit pour droit que l'article 26, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que l'État membre ayant formulé, auprès d'un autre État membre qu'il considère comme étant responsable de l'examen d'une demande de protection internationale en application des critères fixés par ce règlement, une requête aux fins de prise ou de reprise en charge d'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, dudit règlement, adopte une décision de transfert et la notifie à ladite personne avant que l'État membre requis ait donné son accord explicite ou implicite à cette requête.
12. En l'espèce, la décision du préfet des Bouches-du-Rhône prévoyant la remise de M. A... aux autorités italiennes sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été édictée le 14 juin 2019 alors que l'accord de réadmission des autorités italiennes n'est intervenu que le 18 juin suivant. Elle méconnaît ainsi l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne par l'arrêt cité au point précédent.
13. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 14 juin 2019.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet des Bouches-du-Rhône est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme C..., première conseillère,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 décembre 2019.
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N° 19MA03117