Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 février 2019, la commune de Salses-le-Château, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 décembre 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet des Pyrénées-Orientales des 1er mars et 8 juin 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions sont entachées d'erreur de droit ; un investissement peut être admis au FCTVA s'il bénéficie à une association pour la conduite d'activités d'intérêt général alors même que celle-ci y poursuivrait d'autres activités qui ne relèvent pas d'un tel intérêt ou que ses activités ne seraient pas ouvertes à tous et gratuites ;
- les décisions sont entachées d'erreurs de fait et d'appréciation ; les associations exercent statutairement des activités d'intérêt général en application des dispositions du code de l'environnement et le bien leur a été confié en vue de l'exercice de ces activités statutaires ; au demeurant l'usage du bien n'est pas réservé aux membres des associations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut à la confirmation du jugement de première instance et au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Salses-le-Château.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 1er mars 2017, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé d'admettre comme éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) les dépenses d'investissement exposées par la commune de Salses-le-Château pour la construction d'une " maison de la chasse et de la nature ". La collectivité relève appel du jugement du 18 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et de celle du 8 juin 2017, rejetant son recours gracieux.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales : " (...) / Les immobilisations confiées dès leur réalisation ou leur acquisition à un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et exerçant une activité ne lui ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le bien donnent lieu à attribution du fonds pour les dépenses réelles d'investissement réalisées à compter du 1er janvier 2006 si : / (...) / b) Le bien est confié à un tiers en vue de l'exercice, par ce dernier, d'une mission d'intérêt général ; / (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 420-1 du code de l'environnement : " La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d'intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l'équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique. / (...) les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité. Ils participent de ce fait au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural. ". Aux termes de l'article L. 422-2 du même code " Les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d'assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d'un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique, l'éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux (...) et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d'apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. / Leur activité s'exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. (...) ". Aux termes de son article L. 421-5 : " Les associations dénommées fédérations départementales des chasseurs participent à la mise en valeur du patrimoine cynégétique départemental, à la protection et à la gestion de la faune sauvage ainsi que de ses habitats. Elles assurent la promotion et la défense de la chasse ainsi que des intérêts de leurs adhérents. / Elles apportent leur concours à la prévention du braconnage. Elles conduisent des actions d'information, d'éducation et d'appui technique à l'intention des gestionnaires des territoires et des chasseurs et, le cas échéant, des gardes-chasse particuliers. Elles coordonnent les actions des associations communales et intercommunales de chasse agréées. Elles mènent des actions d'information et d'éducation au développement durable en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage et de ses habitats ainsi qu'en matière de gestion de la biodiversité. / Elles conduisent des actions de prévention des dégâts de gibier et assurent l'indemnisation des dégâts de grand gibier dans les conditions prévues par les articles L. 426-1 et L. 426-5. / Elles élaborent, en association avec les propriétaires, les gestionnaires et les usagers des territoires concernés, un schéma départemental de gestion cynégétique, conformément aux dispositions de l'article L. 425-1. / Elles conduisent également des actions pour surveiller les dangers sanitaires impliquant le gibier ainsi que des actions participant à la prévention de la diffusion de dangers sanitaires entre les espèces de gibier, les animaux domestiques et l'homme. / Elles peuvent apporter leur concours à la validation du permis de chasser. / Elles contribuent, à la demande du préfet, à l'exécution des arrêtés préfectoraux autorisant des tirs de prélèvement. Elles agissent dans ce cadre en collaboration avec leurs adhérents. / (... ) ".
4. Si les fédérations départementales des chasseurs sont également chargées de la défense de leurs adhérents, il résulte de ces dispositions du code de l'environnement que le législateur leur a confié, ainsi qu'aux associations communales de chasse agréée, comme, de façon plus globale, à la pratique de la chasse dans son ensemble, des missions qui relèvent essentiellement de l'intérêt général, tenant notamment à la gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats et à la participation à l'équilibre agro-sylvo-cynégétique en vue de la préservation de la biodiversité.
5. En l'espèce, il n'est pas contesté que les statuts de l'association communale de chasse agréée de Salses-le-Château et de la fédération départementale des chasseurs des Pyrénées-Orientales leur assignent, conformément à ces dispositions, ces missions d'intérêt général, listées respectivement par les articles L. 422-2 et L. 421-5 du code de l'environnement. Ainsi, dès lors que, par la convention du 14 décembre 2016, la commune de Salses-le-Château a mis à disposition de ces deux associations la " maison de la chasse et de la nature " afin qu'elles affectent ces locaux à la réalisation des activités liées aux objectifs fixés par leurs statuts respectifs, cette mise à disposition doit être regardée comme ayant été effectuée en vue de l'exercice, par ces dernières, d'une mission d'intérêt général au sens des dispositions de l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales. La circonstance que, conformément aux dispositions de l'article L. 422-21 du code de l'environnement, seules les personnes titulaires du permis de chasser ou, sous certaines conditions, celles qui sont propriétaires de terrains auxquels sont attachés des droits de chasse, peuvent être membres de l'association communale de chasse agréée est à cet égard sans incidence.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet ne pouvait légalement refuser d'admettre comme éligibles au FCTVA les dépenses d'investissement exposées par la commune de Salses-le-Château pour la construction de cette maison au motif que ce bien n'avait pas été confié à des tiers en vue de l'exercice, par ces derniers, d'une mission d'intérêt général. La commune de Salses-le-Château est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par la commune de Salses-le-Château et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 décembre 2018 et les décisions du préfet des Pyrénées-Orientales des 1er mars et 8 juin 2017 sont annulées.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la commune de Salses-le-Château au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Salses-le-Château et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2021.
N°19MA00644 2