Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 avril 2019 et le 28 juillet 2020, la SARL Les Pizous, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 février 2019 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation des décisions du 12 avril 2017 et du 31 juillet 2017 du directeur général de l'OFII ;
2°) d'annuler les décisions du 12 avril 2017 et du 31 juillet 2017 du directeur général de l'OFII en tant qu'elles lui appliquent les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions contestées ont été rendues en méconnaissance du principe du contradictoire et en violation du principe des droits de la défense ;
- elle n'a pas employé M. B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2020, l'OFII, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SARL Les Pizous la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., substituant Me A..., représentant la SARL Les Pizous.
Une note en délibéré présentée pour la SARL Les Pizous a été enregistrée le 1er avril 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Un contrôle opéré le 29 septembre 2016 par les services de police dans les locaux du commerce à l'enseigne " restaurant italien Arezzo " situé 8 rue de l'Herberie à Montpellier et exploité par la SARL Les Pizous a révélé la présence en action de travail de deux personnes qui n'ont pu justifier détenir un titre les autorisant à séjourner et à travailler en France. Par décision du 12 avril 2017, le directeur général de l'OFII a appliqué à la société la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 35 200 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 5 106 euros. La SARL Les Pizous relève appel du jugement du 19 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 avril 2017 et du 31 juillet 2017 du directeur général de l'OFII en tant qu'elles lui appliquent les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi de M. G... B....
2. En premier lieu, s'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. D'ailleurs, l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1err janvier 2016, précise désormais que les sanctions " n'interviennent qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".
3. Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de ces contributions, qui revêtent le caractère de sanctions administratives. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation des contributions spéciale et forfaitaire et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.
4. Il résulte de l'instruction que le directeur général de l'OFII a informé la SARL Les Pizous par lettre du 13 décembre 2016 qu'un procès-verbal établissait qu'elle avait employé deux travailleurs démunis de titres de séjour et de titres les autorisant à exercer une activité salariée en France, qu'elle était ainsi passible de l'application de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. La société appelante, qui n'allègue pas avoir demandé la communication de ce procès-verbal d'infraction auprès de l'OFII, a néanmoins été mise à même de le faire. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce qu'en ne communiquant pas ce procès-verbal, le directeur général de l'OFII aurait méconnu le principe des droits de la défense.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...) ". L'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...) ".
6. Il est constant que, en réponse à l'invitation qui lui a été faite par la lettre précitée du 13 décembre 2016 du directeur général de l'OFII, la SARL Les Pizous a présenté le 15 janvier 2017 ses observations sur la perspective de se voir appliquer les contributions en litige. La décision contestée du 12 avril 2017 a ainsi été prise après qu'a été mise en oeuvre la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions précitées des articles R. 8253-3 du code du travail et R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et conformément à ces dispositions. Il ne résulte pas de l'instruction que le directeur général de l'OFII n'aurait pas pris en considération les observations formulées par la SARL Les Pizous dans son courrier du 15 janvier 2017 et le seul fait que, dans la lettre du 13 décembre 2016, la perspective de l'application des contributions a été mentionnée non pas en usant du conditionnel, mais du futur de l'indicatif, ne suffit pas à établir que la décision de les appliquer aurait été prise antérieurement à l'engagement de la procédure contradictoire.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale (...) ". Et selon l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ".
8. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté par la SARL Les Pizous, que celle-ci a demandé à M. F... de mettre en place les bâches de protection de la terrasse du restaurant destinées à conserver la chaleur en période hivernale. Selon les déclarations de l'intéressé lors de ses auditions par les services de police, qui ne sont pas sérieusement contredites par la société, le gérant de cette dernière lui aurait indiqué que cette mise en place par lui seul serait difficile et qu'il serait préférable qu'il se fasse aider, en l'invitant à trouver lui-même une solution. Eu égard à la nature de ce type de protections, le gérant de la SARL Les Pizous ne pouvait ignorer que leur mise en place ne pouvait raisonnablement être confiée à une seule personne. Pour autant, il ne résulte pas de l'instruction que celui-ci aurait pris l'initiative de rechercher lui-même une solution pour procéder à cette installation dans un cadre légal. C'est dans ces conditions que M. F..., qui dans un premier temps a tenté de mettre en place ces bâches seul, a sollicité l'assistance de M. B..., une de ses connaissances, à qui il aurait proposé une somme de sept euros pour l'accomplissement de ce travail.
9. Si, certes, la SARL Les Pizous n'a pas directement employé ni n'a rétribué M. B..., et si celle-ci n'avait pas même connaissance de la contribution de cette personne, la prestation en cause a été réalisée au bénéfice exclusif de la société et le recours par M. F... à l'assistance de ce tiers, à l'insu de son employeur, trouve son origine dans la carence de ce dernier à prendre les mesures appropriées pour le bon accomplissement du travail qu'il lui avait confié. Dans ces conditions, et eu égard au fait que M. B... était un ressortissant guinéen dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à travailler en France, c'est par une exacte application des dispositions citées au point 7 ci-dessus que le directeur général de l'OFII a appliqué à la SARL Les Pizous les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi de cette personne.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Les Pizous n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Les Pizous demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SARL Les Pizous une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'OFII et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Les Pizous est rejetée.
Article 2 : La SARL Les Pizous versera à l'OFII une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Pizous et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2021.
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N° 19MA01795
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