Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2021, Mme B... A..., représentée par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination duquel elle serait reconduite d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Ruffel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation et méconnaît l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination, qui est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale, est dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur de droit, le préfet s'étant uniquement fondé sur le rejet de sa demande d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour d'une durée de quatre mois, qui est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale, est dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des critères prévus par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Par une décision du 22 janvier 2021, Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Balaresque a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née en 1993, déclare être entrée sur le territoire français en octobre 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 janvier 2019, confirmée par la cour nationale du droit d'asile le 10 juin 2020. Par un arrêté du 28 septembre 2020, le préfet de l'Hérault a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois. Mme A... relève appel du jugement du 26 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet, s'il a la faculté d'examiner, le cas échéant d'office, le droit d'un étranger demandeur d'asile, auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé, de demeurer sur le territoire français à un autre titre que l'asile, ne peut le faire qu'avec les éléments sur la situation de l'intéressé dont il dispose.
3. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux, qui fait mention des démarches de la requérante pour solliciter l'asile, que le préfet a examiné sa situation compte tenu des éléments portés à sa connaissance. En outre, le préfet a examiné les conséquences de sa décision sur le droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la situation de Mme A... et de ce que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessité une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
5. Mme A... soutient qu'elle a été victime en Algérie de violences chroniques de la part de son père et d'un de ses oncles paternels, qui l'auraient empêchée d'aller à l'école, l'auraient séquestrée et auraient voulu la marier de force avec un homme âgé et que les conséquences de ces violences sur son état de santé sont telles qu'un retour en Algérie aurait des conséquences d'une extrême gravité. Elle produit au soutien de ses allégations le compte-rendu de l'examen médico-légal qu'elle a subi à sa demande le 8 août 2018, lequel fait état de multiples cicatrices anciennes au visage et sur ses membres ainsi qu'un certificat médical du psychiatre qui la suit depuis 2019, lequel fait état de souffrances psychiques, indique que son état nécessite un suivi psychothérapeutique et médicamenteux et évoque des risques de passage à l'acte, sans plus de précision. Toutefois, s'il résulte de ces éléments que l'intéressée a été victime de violences et nécessite un suivi psychologique, Mme A... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.
6. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle est distincte de la décision fixant le pays de destination.
7. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissant algérienne ne peut, par suite, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient la délivrance dans les plus brefs délais d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger qui, ne présentant pas une menace pour l'ordre public, bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-13 du code civil, en raison de la menace d'un mariage forcé ou en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple, il appartient toutefois au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient alors au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens par une ressortissante algérienne, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée sur la situation personnelle de l'intéressée.
8. Si Mme A... établit avoir déposé plusieurs plaintes contre celui qu'elle désigne comme étant le père de ses deux enfants nés en juillet 2018 et août 2019, elle n'établit ni même n'allègue l'existence d'une communauté de vie avec celui-ci antérieurement à l'arrêté attaqué. En outre, si les pièces qu'elle produit établissent qu'elle a été victime de violences, ni la date ni l'auteur de ces dernières ne sont établis. Enfin, il est constant que Mme A... ne bénéficie ni de l'ordonnance de protection délivrée en vertu de l'article 515-9 du code civil, ni de celle prévue par l'article 515-13 du même code. Dans ces conditions et compte-tenu notamment de ce qui précède, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A... en prenant à l'encontre de cette dernière, qui ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français après le rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la cour nationale du droit d'asile, une décision l'obligeant à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités que la requérante lui impute. Mme A... n'est donc pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Selon l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger ne l'expose pas à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet pouvait légalement se fonder, pour estimer qu'elle ne justifiait pas encourir un risque de subir, dans son pays d'origine, des tortures ou des traitements inhumains et dégradants, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur le rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides, cette décision, confirmée par la cour nationale du droit d'asile, ayant été prise non seulement sur le fondement de la convention de Genève mais également sur celui de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son paragraphe b).
12. Mme A... soutient qu'elle a été victime en Algérie de violences chroniques de la part de son père et d'un de ses oncles paternels, qui l'auraient empêchée d'aller à l'école, l'auraient séquestrée et auraient voulu la marier de force avec un homme âgé. Elle dit craindre pour sa liberté et son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine. Si les certificats médicaux produits par la requérante attestent du fait qu'elle a subi des violences, dont la date et l'origine demeurent indéterminées, ces éléments, antérieurs aux décisions de rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides puis par la cour nationale du droit d'asile, ne sont toutefois pas à eux seuls de nature à établir la réalité des risques allégués par l'intéressée. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. Comme jugé au point 9, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli.
14. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet a tenu compte de l'absence de circonstances humanitaires et des critères énoncés à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de prononcer l'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de Mme A... et d'en fixer la durée. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation personnelle doivent, dès lors, être écartés.
15. Eu égard à la brièveté de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de Mme A..., laquelle n'établit ni même n'allègue avoir d'autres liens familiaux en France qu'avec celui qu'elle désigne comme étant le père de ses enfants, qui ne les a pas reconnus, avec lequel elle ne vit pas, contre lequel elle a porté plainte à de multiples reprises et dont la nationalité n'est pas établie, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation des conséquences sur sa situation dont serait entachée cette décision doit être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination duquel elle serait reconduite d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.
17. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2022.
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No 21MA00941