Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2019, la commune de Calvi, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 mars 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par le préfet de la Haute-Corse devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les parcelles d'implantation se situent en zone urbanisée au sens du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse ; alors même que cette zone ne serait pas identifiée dans un document d'urbanisme comme devant être renforcée, la construction projetée, qui n'étend pas l'urbanisation, ne méconnaît ainsi pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- la situation des parcelles en zone B du plan d'exposition au bruit de l'aéroport n'était pas invoquée par le préfet dans son avis ;
- ces parcelles sont en réalité situées en zone C dudit plan, n'interdisant pas la construction projetée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2019, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à défaut d'avis favorable de sa part, l'autorisation litigieuse était irrégulière ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
La requête a été communiquée à M. B... qui, bien qu'informé de l'obligation de ministère d'avocat, n'a pas produit de mémoire par avocat.
Les parties ont été informées, par une lettre du 23 novembre 2020, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire au cours du premier trimestre 2021 et que l'instruction pourrait être close à partir du 10 décembre 2020 sans information préalable.
Un avis d'audience, portant clôture immédiate de l'instruction a été adressé aux parties le 1er février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Calvi relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, à la demande du préfet de la Haute-Corse, annulé l'arrêté municipal du 9 août 2018 délivrant à M. B... un permis de construire une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section F n°233, 264 et 265 au lieu-dit Techiarco.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales : " I. - Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut préciser les modalités d'application, adaptées aux particularités géographiques locales, du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme sur les zones littorales et du chapitre II du titre II du livre Ier du même code sur les zones de montagne. / Les dispositions du plan qui précisent ces modalités sont applicables aux personnes et opérations qui sont mentionnées, respectivement, aux articles L. 121-3 et L. 122-2 dudit code. / (...) ". Aux termes de ces dernières dispositions : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, la réalisation de remontées mécaniques et l'aménagement de pistes, l'ouverture des carrières, la recherche et l'exploitation des minerais et les installations classées pour la protection de l'environnement. ". Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse précise les modalités d'application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Il prévoit ainsi que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.
4. Il appartient donc à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation du sol mentionnée à l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet aux dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, au regard de ces prescriptions du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.
5. En l'espèce, les parcelles cadastrées section F n°233, 264 et 265 se situent le long de la route d'accès à l'aéroport de Calvi, à proximité immédiate de la piste qui se trouve à l'est de celles-ci. Si des constructions à usage industriel sont alignées en face de l'aéroport et si quelques habitations poursuivent cette enfilade en direction des parcelles litigieuses, leur nombre et leur densité sont peu significatifs, des espaces naturels conséquents entourant chacune de ces dernières constructions, notamment à l'ouest. Il s'ensuit que ces parcelles ne sont pas situées en continuité d'une agglomération ou d'un village existant, ce qui n'est d'ailleurs pas allégué par la requérante, alors même qu'elles seraient desservies par les réseaux et que le secteur de l'aéroport serait identifié comme une " tache urbaine " sur la cartographie du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.
6. Si la commune de Calvi fait référence aux dispositions du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse qui mentionnent la possibilité de permettre le renforcement et la structuration, sans extension de l'urbanisation, d'espaces urbanisés qui ne constitueraient ni une agglomération ni un village, cette hypothèse n'est toutefois envisagée par ledit plan que sous réserve que les espaces concernés soient identifiés et délimités dans les documents d'urbanisme locaux. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle identification ou délimitation existe en l'espèce. La requérante n'est dès lors, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de ces dispositions.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le projet de M. B... méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ; / (...) ".
9. Dès lors que la commune de Calvi ne possède pas de document d'urbanisme et que le préfet avait, au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, émis légalement, le 27 mars 2018, un avis défavorable à la demande de M. B..., le maire de Calvi a méconnu les dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme en prenant l'arrêté litigieux.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 112-10 du code de l'urbanisme : " Dans les zones définies par le plan d'exposition au bruit, l'extension de l'urbanisation et la création ou l'extension d'équipements publics sont interdites lorsqu'elles conduisent à exposer immédiatement ou à terme de nouvelles populations aux nuisances de bruit. / A cet effet : / 1° Les constructions à usage d'habitation sont interdites dans ces zones à l'exception : / a) De celles qui sont nécessaires à l'activité aéronautique ou liées à celle-ci ; / b) Dans les zones B et C et dans les secteurs déjà urbanisés situés en zone A, des logements de fonction nécessaires aux activités industrielles ou commerciales admises dans la zone et des constructions directement liées ou nécessaires à l'activité agricole ; / c) En zone C, des constructions individuelles non groupées situées dans des secteurs déjà urbanisés et desservis par des équipements publics (...) ; ".
11. Si la commune de Calvi soutient que les parcelles cadastrées section F n°233, 264 et 265 se trouveraient en zone C définie par le plan d'exposition au bruit de l'aéroport de Calvi, permettant sous certaines conditions des constructions individuelles, il ressort sans ambigüité des pièces du dossier que ces parcelles sont situées en zone B dudit plan où, en dehors des hypothèses visées au a) et au b) du 1° de l'article L. 112-10 du code de l'urbanisme, de telles constructions sont proscrites. Ainsi, alors même que le préfet n'a pas fait valoir cette circonstance dans son avis du 27 mars 2018, il ne saurait être contesté que l'arrêté délivrant le permis de construire méconnaît également les dispositions de l'article L. 112-10 du code de l'urbanisme.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Calvi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 9 août 2018.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune de Calvi et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Calvi est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Calvi, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 15 février 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2021.
N°19MA02279 5