Procédures devant la Cour :
I°) Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2020 sous le n°20MA03390, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 août 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 août 2020 ;
3°) de constater la caducité de la décision prononçant son assignation à résidence ;
4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dans les huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il apporte la preuve de sa résidence habituelle en France avant l'âge de treize ans ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a vécu régulièrement en France la quasi-totalité de sa vie, y a toutes ses attaches et présente des problèmes de santé ; il n'a pas commis d'infraction depuis plusieurs années et ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- les décisions portant refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont fondées sur une décision portant obligation de quitter le territoire illégale ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- elle est fondée sur une décision portant refus de délai de départ volontaire illégale ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2020, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2020.
II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 septembre et 16 novembre 2020 sous le n°20MA03391, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nice du 20 août 2020 ;
2°) de suspendre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il reprend les moyens de la requête enregistrée sous le numéro n°20MA03390 et soutient en outre que l'exécution du jugement attaqué l'expose à des conséquences difficilement réparables.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 octobre et 18 novembre 2020, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les observations de Me A..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Par sa requête, enregistrée sous le n°20MA03390, M. D..., ressortissant algérien né en 1986, relève appel du jugement du 20 août 2020, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 août 2020, l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire durant trois ans, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par sa requête, enregistrée sous le n°20MA03391, M. D... sollicite qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Ces deux requêtes portent sur le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par le même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / (...) ".
3. En l'espèce, il ressort de l'arrêté préfectoral du 6 août 2020 lui-même que M. D..., alors âgé de trois ans, est entré en France en juin 1989 et qu'il s'est vu remettre un premier certificat de résidence, valable du 28 janvier 2005 au 27 janvier 2015, puis un second certificat de résidence, valable du 24 décembre 2014 au 23 décembre 2024. Si ce dernier certificat lui a été retiré le 6 novembre 2018, et s'il a alors été mis en possession d'un certificat valable du 20 novembre 2018 au 19 novembre 2019 dont il n'a pas été demandé le renouvellement, il est ainsi demeuré titulaire d'un titre autorisant son séjour en France jusqu'à cette dernière date. Si, malgré cette situation, le tribunal administratif a retenu que la preuve de sa présence n'était pas apportée pour les années 2004, 2006, 2013 et 2014, il ressort des pièces du dossier, pour certaines produites pour la première fois en appel, que le requérant a passé des épreuves du brevet d'études professionnelles au cours de l'année 2004 et celles du permis de conduire au cours de l'année 2006, qu'il a été incarcéré au cours des années 2013 et 2014 et qu'il a notamment perçu des salaires en France au cours de cette dernière année. M. D... justifie ainsi résider habituellement en France depuis qu'il a atteint l'âge de trois ans, ce qui n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par le préfet. Il s'ensuit qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et que l'arrêté du 6 août 2020 doit être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions relatives à l'assignation à résidence :
5. Si l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire entraîne nécessairement la fin de la mesure d'assignation prononcée sur son fondement, il n'appartient pas à la juridiction administrative de constater la caducité d'une telle mesure. Les conclusions présentées en ce sens par M. D... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions aux fins de suspension et de sursis à exécution :
6. Dès lors que, par le présent arrêt, la Cour statue sur la requête de M. D... dirigée contre le jugement du 20 août 2020 du tribunal administratif de Nice, les conclusions tendant à la suspension de l'arrêté du 6 août 2020 et à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. L'exécution du présent jugement, qui prononce l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire et non d'une décision portant refus de droit au séjour, implique seulement que le préfet des Alpes-Maritimes réexamine la situation de M. D..., au vu des éléments de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, et lui délivre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat, Me A..., peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme globale de 2 000 euros au titre des deux instances.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 août 2020 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 août 2020 sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'arrêté du 6 août 2020 et à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nice du 20 août 2020.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de se prononcer sur la situation de M. D... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Me B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 3 février 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
N°20MA03390 - 20MA03391 2