Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 1er juillet 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 avril 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- M. A... a été en mesure de consulter les pièces de son dossier quatorze jours avant la réunion de la commission de discipline ; les dispositions de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale ont été respectées ;
- la demande de M. A... doit être rejetée pour les motifs exposés en première instance.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 août 2019 et 13 avril 2021, M. A..., représenté par Me C..., conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours est non fondé dans les moyens qu'il soulève ; il n'est pas établi que M. A... ait eu communication de son dossier 24 heures avant la réunion de la commission de discipline ;
- la décision de fouille intégrale préalable à cette sanction n'a fait l'objet d'aucun écrit de sorte qu'il ne peut être vérifié qu'elle était motivée et proportionnée ; elle a été pratiquée dans un lieu proscrit pour un tel usage ; il n'est pas justifié que l'agent était habilité à pratiquer une telle fouille ; l'illégalité de cette décision est de nature à justifier l'annulation de la sanction prononcée à son issue.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 11 août 2017, le portique de détection s'est déclenché à plusieurs reprises lors de la sortie en promenade de M. A..., détenu à la maison d'arrêt de Grasse. A l'issue d'une fouille à corps, l'intéressé a été trouvé en possession d'un téléphone portable qu'il avait dissimulé. En conséquence, le président de la commission de discipline a prononcé à son encontre, le 18 septembre 2017, une sanction de 14 jours de cellule disciplinaire assortie d'un sursis intégral. Par une décision du 17 octobre 2017, le directeur interrégional des services pénitentiaires Provence-Alpes-Côte d'Azur / Corse, statuant sur recours, a confirmé cette sanction. Le garde des Sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision.
2. Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale : " I. - En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. / La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. / (...) / III. - La personne détenue, ou son avocat, peut consulter l'ensemble des pièces de la procédure disciplinaire, sous réserve que cette consultation ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes. / (...) ".
3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, produites en première instance après clôture de l'instruction et dont rien ne permet de douter de la valeur probante, que M. A... s'est vu remettre, le 4 septembre 2017, les pièces de son dossier, constitué du compte-rendu d'incident, du rapport d'enquête, de la mise en poursuite, de la convocation de la commission de discipline prévue le 18 septembre 2017 et de la désignation de son avocat. Ce dernier a lui-même eu accès à ces pièces le jour de la réunion de la commission de discipline. Les dispositions de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale ont ainsi été respectées.
4. C'est donc à tort que le tribunal administratif de Nice a, par le jugement du 30 avril 2019, annulé la décision du 17 octobre 2017 en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article R 57-7-16 du code de procédure pénale.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif et devant la Cour.
6. Aux termes de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 dans sa version applicable : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. / (...) / Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. / (...) ".
7. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ne résulte pas de ces dispositions que la décision de procéder à la fouille à corps d'un détenu devrait être formalisée par écrit. En l'espèce et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que celle-ci a bien été retranscrite sur le compte-rendu d'incident qui mentionne, outre l'identité du détenu, le lieu et l'heure de fouille, le fait que l'ordre de procéder à une " fouille à corps " a été donné par " l'adjointe du A " après que, lors de la mise en place de la promenade, le passage du détenu a déclenché à plusieurs reprises le portique de détection.
8. Dès lors que l'intéressé avait précédemment et à plusieurs reprises été trouvé en possession d'objets proscrits et, surtout, qu'il n'est pas contesté que son passage déclenchait le portique de sécurité, la décision de procéder à une telle fouille, au cours de laquelle le détenu a finalement lui-même remis au surveillant, sur sollicitation réitérée, le téléphone portable qu'il dissimulait entre ses fesses, était nécessaire et proportionnée.
9. Il ne résulte pas davantage de ces dispositions que les surveillants exécutant de telles mesures de fouille devraient être spécialement habilités pour ce faire.
10. Enfin, si la réalisation de fouilles intégrales dans les locaux des douches d'un établissement ne garantit pas le respect de la dignité des personnes détenues, la seule circonstance qu'une fouille a été pratiquée dans ces locaux ne caractérise pas en elle-même, en l'absence de mention d'un incident particulier, une atteinte à cette dignité. En l'espèce, M. A... ne fait valoir aucune circonstance particulière dont il résulterait qu'il aurait été porté atteinte à sa dignité à l'occasion de cette fouille.
11. Dès lors, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la fouille en cause aurait été décidée et conduite illégalement.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice annulé la décision du 17 octobre 2017.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 avril 2019 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Nice et la cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à Me C... et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 10 mai 2021, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Merenne, premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.
N°19MA02977 2