3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors qu'elle a exercé un recours préalable obligatoire devant la Commission nationale d'aménagement commercial et qu'elle est dotée d'une existence légale, son recours contentieux est recevable ;
- les dispositions des articles R. 752-34 et R. 752-36 du code de commerce ont été méconnues dès lors qu'elle n'a pas été convoquée devant la Commission nationale d'aménagement commercial ; elle a été privée d'une garantie et le vice a une influence sur le sens de la décision ;
- le magasin qu'elle exploite figure dans la zone de chalandise du projet, ce qui, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, lui confère un intérêt à agir contre l'avis favorable délivré ; la zone de chalandise définie dans le dossier de demande d'autorisation est à cet égard, et de façon volontaire, erronée au regard des dispositions de l'article R. 752-3 du code de commerce ;
- son intérêt à agir est également justifié par la seule proximité des deux magasins ainsi que par la circonstance que leurs zones de chalandise respectives se recoupent et que le projet est susceptible d'avoir une influence significative sur son activité ;
- la décision litigieuse est entachée par la fraude commise par la SNC LIDL ; celle-ci avait dès l'origine l'intention d'utiliser la surface de réserve en surface de vente ; elle aurait dû solliciter un permis de construire valant autorisation d'exploiter en application de l'article L. 425-7 du code de l'urbanisme et la demande d'autorisation d'extension n'aurait pas dû être instruite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute pour la requérante de justifier de son existence juridique ;
- elle est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 novembre 2019, 16 septembre 2020 et 24 mars 2021, la SCN LIDL, représentée par la SELARL ADDEN Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Barc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute pour la requérante de justifier de son intérêt à agir ;
- elle est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SAS Barc, et de Me B..., représentant la SNC LIDL.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 8 avril 2019, la commission départementale d'aménagement commercial de l'Aude a autorisé la SNC LIDL à porter de 990 m2 à 1 421 m2 la surface commerciale du magasin qu'elle exploite à Leucate. La SAS Barc, qui exploite un magasin à l'enseigne Super U dans la commune voisine du Barcarès, a formé un recours contre cette décision devant la Commission nationale d'aménagement commercial. Elle demande à la Cour d'annuler la décision du 4 juillet 2019 rejetant ce recours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du II de l'article L. 752-17 du code de commerce : " Lorsque la réalisation du projet ne nécessite pas de permis de construire, les personnes mentionnées au premier alinéa du I peuvent, dans un délai d'un mois, introduire un recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial. / (...) ". Au nombre de ces personnes figure, selon les dispositions du I de cet article auxquelles il est renvoyé, " tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ". Ainsi, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la Commission nationale, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.
3. En vertu de l'article R. 752-3 du code de commerce : " (...) constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. ".
4. Pour délimiter la zone de chalandise de son magasin situé à l'extrême sud de Leucate, la SNC LIDL s'est référée à un temps de trajet en voiture maximal de quatorze minutes environ, nécessaire pour rejoindre le nord de la commune, tout en se limitant au territoire de la commune elle-même, alors qu'il est constant que l'ensemble de la commune du Barcarès, elle-même située au sud de Leucate, notamment le secteur d'implantation du magasin à l'enseigne Super U exploité par la SAS Barc, se trouve à l'intérieur de cette zone isochrone. Aucune barrière géographique ou psychologique, notamment pas la circonstance que les communes de Leucate et du Barcarès n'appartiennent pas au même département, ne peut justifier cette limitation. Une même route départementale permet d'ailleurs de traverser et relier les deux communes. Alors qu'aucune autre surface de vente équivalente ne sépare les deux supermarchés, le pouvoir d'attraction du magasin exploité par la requérante, qui n'était pas même évoqué dans le dossier de demande d'autorisation, ne parait pas davantage de nature à justifier l'exclusion de la commune du Barcarès de la zone de chalandise du magasin de la SNC LIDL, a fortiori eu égard à la spécificité de l'offre de cette enseigne. Il n'est d'ailleurs pas contesté que ce supermarché effectue des actions publicitaires à destination des habitants de la commune du Barcarès qu'il considère donc de facto comme relevant de sa zone de chalandise. Il résulte de tout ce qui précède que le magasin exploité par la SAS Barc est implanté dans la zone de chalandise du projet et que son activité est de ce fait susceptible d'être affectée par celui-ci. La requérante, qui justifie de son existence juridique, était dès lors recevable à introduire son recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial ainsi, en tout état de cause, qu'à introduire la présente instance. Il s'ensuit que la décision de la Commission du 4 juillet 2019, portant rejet de son recours comme irrecevable, doit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulée.
Sur les autres conclusions :
5. Par l'effet du présent arrêt, la Commission nationale d'aménagement commercial se trouve de nouveau saisie du recours formé contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Aude rendue le 8 avril 2019, favorable au projet de la SNC LIDL. Son exécution implique dès lors que la Commission prenne une nouvelle décision statuant sur le recours de la requérante.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Barc, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la SNC LIDL et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SAS Barc sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 4 juillet 2019 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer à nouveau sur le recours de la SAS Barc.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SAS Barc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Barc, au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la SNC LIDL.
Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2021, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Merenne, premier conseiller,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.
N°19MA04404 2