Par un jugement n°1600607 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande, partiellement comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juin 2018 et 15 septembre 2020, les consorts D..., représentés par Me F..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 11 avril 2018 ;
2°) de condamner la commune de Courthezon à leur verser la somme de 996 038 euros assortie des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Courthezon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal s'est estimé incompétent pour connaître de l'action en tant qu'elle est fondée sur l'absence de respect par la commune de son engagement d'étendre le cimetière et de créer un parking sur les parcelles qu'ils lui ont cédées ; le contrat de cession comportait une clause exorbitante tenant au prix convenu et à l'objectif de la vente ; en tout état de cause, la promesse est extérieure au contrat ;
- son non-respect engage la responsabilité de la commune et leur a causé préjudice compte-tenu du prix de cession consenti ;
- en obtenant leur agrément à cette cession via un engagement qu'elle n'a par la suite pas respecté la commune a commis un détournement de pouvoir ;
- la commune a également procédé au classement des parcelles litigieuses en zone constructible illégalement ; la délibération prescrivant la révision du plan local d'urbanisme ne définit aucun objectif, en méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ; le classement méconnait le plan de prévention des risques inondation et est incohérent avec les autres pièces du plan local d'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 septembre 2019 et 5 octobre 2020, la commune de Courthezon, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des consorts D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;
- subsidiairement, la demande de première instance était irrecevable faute de liaison du contentieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant les consorts D..., et de Me C..., représentant la commune de Courthezon.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 3 juillet 2008, le conseil municipal de la commune de Courthezon a décidé d'acquérir à l'amiable, auprès des consorts D..., les terrains cadastrés section AV numéros 58, 59, 60, 61, 99 et 100 d'une surface de 16 882 m2, au prix de 16 882 euros, de manière à effectuer une réserve foncière pour la création d'un parc de stationnement et l'extension future du cimetière communal. Cette acquisition a été formalisée par acte notarié du 5 septembre 2008. La commune a toutefois décidé, au cours de l'année 2013, à l'occasion de l'adoption de son plan local d'urbanisme, d'utiliser ces parcelles pour la construction de logements. Les consorts D... relèvent appel du jugement du 11 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Courthezon soit condamnée à leur verser, dans ce cadre, la somme de 996 038 euros.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Si la contestation par une personne privée de l'acte, délibération ou décision par lequel une personne publique, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine, relève de la compétence des juridictions judiciaires, le juge administratif est compétent pour connaître des contestations relatives aux décisions de cette personne publique affectant le périmètre ou la consistance de son domaine privé, et notamment de celles relatives aux actes par lesquels elle décide d'acquérir un bien destiné à faire partie de ce domaine.
3. La demande présentée par les consorts D... devant le tribunal administratif tendait à mettre en cause la responsabilité quasi-délictuelle de la commune à raison notamment des fautes que celle-ci aurait commises en ne respectant pas les termes de son engagement relatif à l'acquisition litigieuse, matérialisé en dernier lieu non pas par l'acte notarié du 5 septembre 2008 mais par la délibération du 3 juillet 2008, et en entachant cette délibération d'un détournement de pouvoir. Il appartient à la juridiction administrative de connaître du litige ainsi soulevé. Les consorts D... sont dès lors fondés à demander l'annulation du jugement en date du 11 avril 2018 en tant que le tribunal administratif de Nîmes a partiellement rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
4. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions en tant qu'elles sont fondées sur les moyens tirés du non-respect des termes de l'engagement communal et du détournement de pouvoir et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel en tant qu'elles sont fondées sur le moyen tiré de l'illégalité du plan local d'urbanisme également présenté devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur le bien-fondé des moyens tirés du non-respect des termes de l'engagement communal et du détournement de pouvoir :
5. A supposer même que la commune aurait, par la délibération du 3 juillet 2008 ou par les échanges de courriers antérieurs, pris, vis-à-vis des consorts D..., un engagement de réaliser sur les parcelles litigieuses l'extension du cimetière et le parc de stationnement envisagés, les requérants rappellent eux-mêmes qu'ils n'ont pas fait de la réalisation de ce projet une condition de la vente, qu'ils n'entendent pas remettre en cause. La circonstance que ce dernier n'ait pas été concrétisé n'est dès lors pas susceptible de leur avoir causé le préjudice financier allégué, seulement lié à l'insuffisance du prix de vente consenti. En tout état de cause, alors que le plan local d'urbanisme classant les parcelles litigieuses en zone constructible a été abrogé, les consorts D... n'établissent pas que la valeur desdites parcelles serait aujourd'hui supérieure à celle retenue à l'occasion de la vente intervenue en 2008.
6. Le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
7. Il résulte de ce qui précède que la demande des consorts D... doit, en ce qu'elle est fondée sur le non-respect des termes de l'engagement communal et le détournement de pouvoir, être rejetée.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a écarté le moyen tiré de l'illégalité du plan local d'urbanisme :
8. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les requérants n'apportent pas de précision quant au préjudice qu'est susceptible de leur avoir causé l'illégalité du plan local d'urbanisme procédant au classement des parcelles litigieuses en zone constructible près de cinq ans après leur cession. Ils ne sont dès lors pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande en tant qu'elle était fondée sur ce moyen.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Courthezon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par les consorts D... et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de ces derniers la somme globale de 2 000 euros à verser à la commune de Courthezon sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 11 avril 2018 est annulé.
Article 2 : La demandée présentée par les consorts D... devant le tribunal administratif de Nîmes sur le fondement du non-respect des termes de l'engagement communal et du détournement de pouvoir ainsi que le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Les consorts D... verseront la somme de 2 000 euros à la commune de Courthezon.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à M. E... D..., à M. B... D... et à la commune de Courthezon.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme G..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2020.
N°18MA02721 2