Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 mars 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2017 décidant de son transfert aux autorités italiennes désignées responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet de le placer dans le cadre de la procédure normale de demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il aurait été informé, par écrit dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, des conditions d'application de l'article 4 du règlement UE n°604/2013 ;
- l'article 17 du règlement UE n°604/2013 est méconnu dès lors que son cousin germain, reconnu réfugié, est hébergé dans le même centre d'accueil et d'orientation que lui, qu'ils ont été solidaires tout au long de leur périple, qu'ils souhaitent demeurer ensemble en Europe et que sa présence lui est nécessaire dans l'examen de sa demande d'asile en France ;
- le préfet aurait dû procéder à son pouvoir d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2019, le préfet de l'Hérault demande à titre principal, à ce qu'il soit prononcé un non-lieu à statuer suite à la prise en charge par la France du demandeur d'asile et, à titre subsidiaire, conclut au rejet de la requête d'annulation de l'appelant.
Il fait valoir que :
- M. C...a bénéficié d'une première brochure à destination de l'Italie en présence d'un interprète en langue arabe, puis d'une seconde brochure le 3 mai 2017, suite à son absence à l'embarquement prévu du 9 avril 2017 ;
- le 27 juillet 2017, la décision en litige a été exécutée, M. C...ayant été remis aux autorités italiennes ;
- la demande d'asile de M. C...a été enregistrée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 20 septembre 2017.
M. C...a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991.
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...relève appel du jugement, en date du 17 mars 2017, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du préfet de l'Hérault du 22 février 2017 prescrivant sa remise aux autorités italiennes, considérées comme responsable de sa demande d'asile en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 16 juin 2013 dit " Dublin III ". M. C...relève appel de ce jugement.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de l'Hérault :
2. Les circonstances que M. C...ait été remis aux autorités italiennes le 27 juillet 2017 et que l'OFPRA ait enregistré sa demande le 20 septembre 2017 ne rendent, ni l'une ni l'autre, sans objet son appel à l'encontre de la décision de remise aux autorités italiennes. Ainsi, l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet doit par suite être écartée.
Sur les conclusions relatives à la décision de transfert :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Droit à l'information : 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. (...) ". Et aux termes de l'article 5 de ce règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ".
4. Il résulte de ces stipulations que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par ces dispositions constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
5. Il ressort de l'instruction que M.C..., de nationalité soudanaise, s'est vu remettre le 23 septembre 2016, jour du dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture de Seine-Saint-Denis, les deux brochures en langue arabe, conformes à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, documents qu'il a signés. Par suite, le requérant s'est vu remettre par le préfet de l'Hérault, contre signature, lors de son entretien individuel du 22 février 2017 et assisté par un interprète en langue arabe, qui a traduit et retranscrit les observations de M.C..., la brochure d'information sur la prise d'empreintes et le guide du demandeur d'asile, en langue arabe. Ainsi, le requérant a bénéficié d'une information complète sur l'application de ce règlement, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement susvisé du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet Etat devient l'Etat membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...). 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons, sur humanitaires fondées, notamment sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ".
7. Il résulte des mentions mêmes de l'arrêté contesté que " l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. A...se disant C...D...ne relève pas des dérogations prévues par les articles 17.2 ou 17.2 du règlement (UE) n°604/2013 susvisés ". De surcroît, si le requérant évoque la présence d'un cousin germain, il n'établit nullement le lien de parenté dont il se prévaut. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen par le préfet de son pouvoir de régularisation manque en fait et doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant aux fins d'injonction :
9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a procédé au transfert de M. C... aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile en date du 27 juillet 2017. M. C...est revenu en France le 4 août 2017, où sa demande d'asile a été enregistrée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 septembre 2017. Les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de procéder à l'enregistrement de la demande d'asile du requérant pour que celle-ci soit instruite et examinée en France ont, en tout état de cause, dès lors, perdu leur objet. Il n'y a plus lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais de l'instance :
10. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d' aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
11. Les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à l'avocat de M.C..., au titre des frais exposés par lui dans l'instance et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. C...tendant à ce qu'il soit fait injonction au préfet de l'Hérault de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans le cadre de la procédure normale.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président de chambre,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er avril 2019.
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N°17MA03246