Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juin 2018 sous le n°18MA02636, M. A...représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de communiquer toutes les pièces ayant conduit à la décision de réadmission ;
4°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 mai 2018 portant remise aux autorités italiennes;
5°) d'annuler l'arrêté d'assignation à résidence du même jour ;
6°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile dans un délai de 72 heures à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours également à compter de la notification de la décision à intervenir ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son conseil renonce à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'agent habilité de l'entretien individuel n'a pas apposé sa signature ;
- le magistrat délégué du tribunal administratif a renversé la charge de la preuve ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet et rigoureux de sa situation personnelle,
- la décision de remise méconnaît également les dispositions des articles 31 et 32 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 car le préfet n'a pas averti les autorités italiennes de son état de santé et de la nécessité d'une prise en charge médicale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire application des articles 17.1 et 2 du règlement UE n° 604/2013 ;
- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux et l'article 3 paragraphe 2 du règlement 604/2013 ont été méconnues ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
S'agissant de l'arrêté portant assignation à résidence :
- la décision portant assignation à résidence est signée par une autorité incompétente ;
- elle est illégale, dès lors qu'elle se fonde sur une décision de transfert elle-même illégale ;
- elle est insuffisamment motivée, disproportionnée et inutile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement du 18 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M.A..., de nationalité sierra-léonaise, né le 3 mars 1998, tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 mai 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa remise aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence. M. A...relève appel de ce jugement.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 13 juillet 2018. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui la décision de remise aux autorités italiennes :
3. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.". Aux termes de l'article 5 du règlement précité du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
4. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées ;
5. Il ressort des pièces du dossier que le 31 octobre 2017, soit le lendemain du dépôt en préfecture des Bouches-du-Rhône de la demande d'asile par M.A..., qu'il a été remis à celui-ci les brochures d'information, rédigées en langue anglaise, qu'il a déclaré comprendre, relative à la détermination de l'Etat responsable dans le cadre de la procédure fixée par le règlement susvisé du 26 juin 2013. Il ressort également des pièces produites par le préfet des Bouches-du-Rhône que le requérant a bénéficié d'un entretien individuel le 31 octobre 2017, en langue anglaise, langue qu'il a déclaré comprendre. Pas plus en appel qu'en première instance l'intéressé n'établit que les conditions de déroulement de cet entretien l'aurait privé des garanties offertes par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. En effet, lors de cet entretien, l'intéressé a pu retracer son parcours et ses conditions d'entrée en France. L'agent de la préfecture a pu également lui présenté les objectifs et la procédure définis par le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, impliquant d'une part, une saisine des autorités italiennes en cas d'accord exprimé par l'une de ces autorités et d'autre part, l'éventualité d'un arrêté préfectoral portant remise vers le pays concerné. Un récépissé lui a été remis le même jour pour qu'il puisse formuler toutes observations concernant un éventuel transfert et sur sa possibilité de présenter des observations sur l'arrêté de remise. M. A...a déposé ses observations le jour même. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'au cours de l'entretien le requérant n'aurait pas été mis en mesure d'exposer les éléments susceptibles de faire obstacle à son transfert vers l'Italie qu'il aurait estimé utiles de porter à la connaissance du préfet. Dans ces conditions, M. A...n'a pas été privé de la garantie consistant en un accès, dans une langue qu'il est susceptible de comprendre, à ces informations. La circonstance que l'entretien ait été réalisé en anglais par un agent de la préfecture des Bouches-du-Rhône, dont l'obligation de signature n'était imposée par aucun texte, n'est pas constitutif d'un vice de procédure, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cet entretien individuel n'a pas été mené par une personne qualifiée conformément aux dispositions de l'article 5 précité. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'enjoindre à l'administration de produire d'autres pièces, que le magistrat délégué du tribunal administratif de Marseille a pu juger a bon droit sans inverser la charge de la preuve, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des article 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 devait être écarté.
6. En second lieu, les autres moyens de la requête de M. A... à l'encontre de la décision portant remise aux autorités italiennes, à savoir l'insuffisance de motivation, l'absence d'examen complet et rigoureux de sa situation personnelle, la violation des dispositions des articles 31 et 32 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'erreur manifeste d'appréciation commise à la suite du refus de faire application des articles 17.1 et 2 du règlement UE n° 604/2013, la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la Charte des droits fondamentaux et l'article 3 paragraphe 2 du règlement 604/2013, doivent être écartés pour les motifs retenus par les premiers juges, lesquels n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'absence d'atteinte disproportionnée à sa situation personnelle, qu'il y a lieu d'adopter.
En ce qui concerne la légalité de l'assignation à résidence :
7. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant remis aux autorités italiennes de M. A...n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée par l'intéressé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence ne peut être qu'écartée.
8. En second lieu, les autres moyens de la requête de M. A... à l'encontre de la décision portant assignation à résidence, lesquels ne comportent aucun développement nouveau, à savoir l'incompétence de l'autorité signataire, l'insuffisance de motivation et son caractère disproportionnée et inutile doivent être écartés pour les motifs retenus par les premiers juges, lesquels n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'absence d'atteinte disproportionnée à sa situation personnelle, qu'il y a lieu d'adopter.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A...ne peuvent être accueillies.
Sur les frais de l'instance :
11. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d' aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
12. Il s'ensuit que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à l'avocat de M.A..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. A....
Article 2 : La requête de M. A...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...à Me B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président de chambre,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.
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N° 18MA02636