Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2014, sous le n° 14MA03011, M. C... B..., représenté par Me E...demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 20 mai 2014 ;
2°) d'annuler la décision en date du 14 novembre 2013 de la commune d'Allauch susvisée ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Allauch la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête était recevable dès lors que la décision attaquée présente un caractère décisoire ;
- en sa qualité d'acquéreur évincé, il avait parfaitement intérêt à agir contre la décision litigieuse ;
- la commune d'Allauch devra prouver qu'une délégation a été donnée au maire pour exercer le droit de préemption par une délibération expresse du conseil municipal ; au surplus, la décision attaquée a été signée pour le maire par un délégué ; il appartiendra à la commune de prouver que ses délégations sont régulières et ont été publiées ;
- la décision contestée a été prise en violation des articles L. 214-1 et R. 214-1 du code de l'urbanisme dès lors que le fonds de commerce préempté est situé en dehors de tout périmètre de sauvegarde ;
- sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est totalement injustifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2014, la commune d'Allauch conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, par délibération en date du 18 avril 2014, elle a abrogé la délibération en date du 19 décembre 2013 relative à l'acquisition par voie de préemption d'un fonds de commerce situé chemin de Bon Rencontre ; cette délibération ayant définitivement disparu de l'ordonnancement juridique, un non-lieu à statuer s'impose sur la procédure d'appel introduite par M.B... ; il convient également de considérer par extension et à supposer qu'il ait eu un quelconque effet juridique, que le courrier du 14 novembre 2013 a également disparu de l'ordonnancement juridique ;
- à titre subsidiaire, le recours de M. B...contre le courrier querellé ne peut être regardé comme un recours dirigé contre la délibération par laquelle elle a décidé d'exercer son droit de préemption, d'autant qu'à la date dudit courrier, cette délibération n'avait pas encore été prise ; à la date où elle a adressé le courrier du 14 novembre 2013, elle n'avait absolument aucune connaissance d'un éventuel acquéreur évincé, le seul destinataire dudit courrier étant M. D..., propriétaire du fonds de commerce ;
- devant les premiers juges, à aucun moment, M. B...n'a justifié de sa qualité d'acquéreur évincé ; le caractère probant du protocole de transaction notamment quant aux dates mentionnées est lourdement mis en doute ;
- la motivation de l'ordonnance attaquée ne souffre d'aucune critique dès lors que la requête était irrecevable à défaut d'avoir été dirigée contre un acte décisoire ;
- à titre éminemment subsidiaire, le maire de la commune d'Allauch était compétent par délégation du conseil municipal pour exercer le droit de préemption en vertu d'une délibération du 4 avril 2008 ;
- M. A...qui a signé la décision querellée bénéficiait d'une délégation par arrêté affiché en mairie le 25 octobre 2012 ;
- si par extraordinaire, il était considéré que la préemption contestée a été exercée hors du périmètre consacré, la délibération du 19 décembre 2013 doit être interprétée comme ayant étendu dans le même esprit que les précédentes délibérations, le périmètre d'exercice du droit de préemption.
Un courrier du 8 octobre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 2 décembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
1. Considérant que M. B... relève appel de l'ordonnance en date du 20 mai 2014 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 14 novembre 2013 par laquelle la commune d'Allauch a notifié sa volonté d'exercer son droit de préemption dans le cadre de la cession d'un fonds de commerce ayant une activité de discothèque, situé 1 chemin de Bon Rencontre et appartenant à M.D... ;
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par la commune d'Allauch :
2. Considérant que, dans le cas où l'administration procède à l'abrogation d'un acte attaqué devant le juge de l'excès de pouvoir, cette circonstance prive d'objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête de M. B...enregistrée le 16 janvier 2014 au greffe du tribunal, le conseil municipal d'Allauch a décidé, par une délibération en date du 18 avril 2014, d'abroger la délibération en date du 19 décembre 2013 relative à l'acquisition par voie de préemption du fonds de commerce de M. D...situé chemin de Bon Rencontre à Allauch ; que la commune d'Allauch soutient que cette requête est dépourvue d'objet dès lors que la délibération en date 19 décembre 2013 et le courrier du 14 novembre 2013 ont disparu de l'ordonnancement juridique ; que toutefois, la décision attaquée en date du 14 novembre 2013 prise par le maire d'Allauch n'a pas été retirée par la délibération du 18 avril 2014 alors, au surplus, que le maire était seul compétent pour exercer le droit de préemption en vertu d'une délibération en date du 4 avril 2008 du conseil municipal de la commune d'Allauch ; que, par suite, il y a toujours lieu de statuer sur le litige ;
Sur la régularité de l'ordonnance contestée :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme dans sa version en vigueur alors : " Le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption institué par le présent chapitre les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux. / A l'intérieur de ce périmètre, sont également soumises au droit de préemption visé à l'alinéa précédent les aliénations à titre onéreux de terrains portant ou destinés à porter des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés. / Chaque aliénation à titre onéreux est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le cédant à la commune. Cette déclaration précise le prix et les conditions de la cession. / Le droit de préemption est exercé selon les modalités prévues par les articles L. 213-4 à L. 213-7. Le silence de la commune pendant le délai de deux mois à compter de la réception de cette déclaration vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. Le cédant peut alors réaliser la vente aux prix et conditions figurant dans sa déclaration. " ; qu'aux termes de l'article R. 214-1 du même code : " Lorsqu'une commune envisage d'instituer, en application de l'article L. 214-1, le droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains portant ou destinés à porter des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, le maire soumet pour avis le projet de délibération du conseil municipal à la chambre de commerce et d'industrie territoriale et à la chambre des métiers et de l'artisanat dans le ressort desquelles se trouve la commune. Le projet de délibération est accompagné du projet de plan délimitant le périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité et d'un rapport analysant la situation du commerce et de l'artisanat de proximité à l'intérieur de ce périmètre et les menaces pesant sur la diversité commerciale et artisanale. En l'absence d'observations de la chambre de commerce et d'industrie territoriale et de la chambre des métiers et de l'artisanat dans les deux mois de leur saisine, l'avis de l'organisme consulaire est réputé favorable. " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal ; " ;
5. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) " ;
6. Considérant que pour rejeter comme irrecevable la requête de M. B...tendant à l'annulation de la décision en date du 14 novembre 2013 sur le fondement du 4° de l'article R. 221-1 du code de justice administrative, le premier juge a estimé que celle-ci " était dirigée contre un acte par lequel la commune d'Allauch s'est bornée à informer M. D...de son intention d'exercer son droit de préemption sur le fonds de commerce de la discothèque situé 1 chemin de Bon rencontre " et " qu'ainsi, un tel acte doit être regardé comme une simple lettre d'information qui ne fait pas grief à M.B... " ; qu'en l'espèce, par la lettre du 14 novembre 2013, le maire adjoint, délégué à l'urbanisme a informé le conseil de M. D...de ce que " la commune entend exercer son droit de préemption au pris stipulé dans la déclaration de cession d'un fonds de commerce, soit 60 000 euros " et que " conformément aux articles L. 214-1 et R. 214-1 et suivants du code de l'urbanisme, nous vous serions donc obligé de bien vouloir préparer, en relation avec le propriétaire de la discothèque, M. F..., l'acte de cession correspondant " ; qu'ainsi, au regard de ces termes et de ce que ledit courrier est intervenu dans le délai de deux mois à compter de la date de réception, le 16 octobre 2013, par la commune d'Allauch de la déclaration de cession de M.D..., contrairement à la délibération du 19 décembre 2013 relative à l'acquisition par voie de préemption dudit fonds de commerce prise postérieurement à ce délai, le courrier en date du 14 novembre 2013 doit être regardé comme constituant la décision de préemption prise par le maire d'Allauch laquelle faisait grief à M. B..., en sa qualité d'acquéreur évincé ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit au point n° 3, le conseil municipal de la commune d'Allauch a décidé, par la délibération en date du 4 avril 2008, de déléguer au maire de ladite commune, la compétence d'exercer au nom de celle-ci les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme ; que, par suite, M. B... est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et à en demander, pour ce motif l'annulation ;
7. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande susvisée de M. B...devant le tribunal administratif de Marseille et la Cour ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Allauch :
8. Considérant que la commune d'Allauch fait valoir qu'à aucun moment M. B... n'a justifié de sa qualité d'acquéreur ; que, toutefois, le requérant a produit un protocole transactionnel signé les 4 et 9 octobre 2013, sous seing privé par lequel il est désigné acquéreur du fonds de commerce en cause ; que la commune ne conteste pas sérieusement le caractère probant de cet acte en se bornant à mettre en doute les dates qu'il mentionne ; qu'ainsi, M. B... bénéficie d'un intérêt à demander l'annulation de la décision attaquée en sa qualité d'acquéreur évincé ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision en date du 14 novembre 2013 :
9. Considérant que les articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l'urbanisme, issus de la loi du 2 août 2005, ont pour objet d'ouvrir aux communes la possibilité de se doter d'un droit de préemption des fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux en vue de préserver, dans un périmètre de sauvegarde qu'elles délimitent par une délibération motivée, la diversité de l'activité commerciale et artisanale de proximité ;
10. Considérant que M. B...soutient que la commune d'Allauch a délibérément exercé son droit de préemption sur un fonds de commerce situé en dehors de tout périmètre de sauvegarde ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté par la commune d'Allauch que le fonds de commerce préempté situé 1 chemin de Bon Rencontre à Allauch ne figure dans le périmètre de sauvegarde tel que délimité par la délibération en date du 7 février 2013 et inséré dans le plan local d'urbanisme arrêté le 29 juin 2012 ; que la commune d'Allauch ne peut utilement se prévaloir de la délibération en date 19 décembre 2013 relative à l'acquisition par voie de préemption dudit fonds de commerce qui, selon l'intimée, devrait être regardée comme ayant étendu le périmètre d'exercice du droit de préemption dès lors qu'une telle extension relève d'une procédure particulière telle que définie par les articles L. 214-1 et R. 241-1 précités du code de l'urbanisme qui n'a pas été appliquée en l'espèce ; qu'en outre, les objectifs du plan d'aménagement et de développement durable et du plan local d'urbanisme de la commune d'Allauch, ainsi que les dispositions de l'article L. 2121-29, alinéa 1er du code général des collectivités territoriales en vertu desquelles le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune, ne permettent pas à eux seuls de préempter ledit fonds de commerce ; qu'ainsi, M. B...est fondé à soutenir que la commune d'Allauch a méconnu les dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme en préemptant, par la décision attaquée, le fonds de commerce situé 1 chemin de Bon Rencontre ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision en date du 14 novembre 2013 du maire de la commune d'Allauch ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M.B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune d'Allauch quelque somme que ce soit au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune d'Allauch une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance en date du 20 mai 2014 du tribunal administratif de Marseille et la décision en date du 14 novembre 2013 de la commune d'Allauch sont annulées.
Article 2 : La commune d'Allauch versera à M. B...une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à la commune d'Allauch.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Hameline, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2016.
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N° 14MA03011