Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2017 et le 3 mai 2018, la SARL Casa di Petra, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 19 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Porto-Vecchio du 13 mai 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Porto-Vecchio le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer, dès lors que les juges de première instance ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré du caractère frauduleux de l'autorisation obtenue ;
- la requête d'appel est recevable, dès lors que l'affichage de la décision en litige est irrégulier ;
- la déclaration en litige est entachée de fraude, le pétitionnaire ayant sciemment occulté dans le dossier de demande l'existence d'une servitude de passage à son profit s'opposant directement à la réalisation des travaux autorisés ;
- la commune possédait des informations lui interdisant d'accorder l'autorisation sollicitée au regard des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;
- M. A... était tenu de déposer une déclaration préalable portant régularisation de l'ensemble des travaux réalisés de manière irrégulière avant de pouvoir solliciter une nouvelle autorisation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 mars 2018, 5 juillet 2018 et 29 janvier 2019, M. D... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Casa di Petra le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable pour tardiveté, dès lors que la SARL appelante ne lui a pas notifié la requête d'appel, ainsi, sans doute, aussi à la commune de Porto-Vecchio, conformément aux prescriptions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- la SARL appelante n'a pas intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par SARL appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a déposé le 19 mars 2015 une déclaration préalable portant sur la réalisation d'un mur de soutènement et la création d'un espace de parking sur un terrain lui appartenant, situé dans le hameau de Piccovaggia, lieu-dit " Foce Incesa ", cadastré section F n° 2758, sur le territoire de la commune de Porto-Vecchio. Le maire de cette commune a, sur avis conforme favorable du préfet de la Corse-du-Sud, pris un arrêté le 13 mai 2015, par lequel il a accordé à M. A... l'autorisation sollicitée. Par jugement du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande d'annulation de cette décision de non opposition du 13 mai 2015 déposée par la SARL Casa di Petra, propriétaire de la parcelle jouxtant la propriété de M. A.... Cette SARL relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. D'une part, l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme dispose qu'" En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...), d'une décision de non opposition à une déclaration préalable (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant (...) une décision de non opposition à une déclaration préalable (...). L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (...) du recours / La notification du recours au titulaire de l'autorisation et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. ". Il résulte de ces dispositions que l'appel doit être notifié, de la même façon que le recours introduit devant les premiers juges, à l'auteur de la décision attaquée et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation.
3. D'autre part, l'article R. 600-2 du même code prévoit que : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non opposition à une déclaration préalable (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Les dispositions de l'article R. 424-15 précisent que " Mention (...) de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle (...) la décision de non opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...).Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. (...) ". Il ressort de ces dispositions que l'affichage du permis de construire sur le terrain d'assiette de la construction autorisée doit être effectué de telle façon que les mentions qu'il comporte soient lisibles de la voie publique ou, lorsque le terrain n'est pas desservi par une voie publique, d'une voie privée ouverte à la circulation du public.
4. En l'espèce, il est, tout d'abord, constant que la SARL appelante, qui a notifié son recours introduit devant les premiers juges, a omis de procéder à la notification de sa requête d'appel. Il ressort, ensuite, des pièces du dossier, et n'est au surplus pas contesté par la société appelante, que la décision portant non opposition du 13 mai 2015, qui mentionnait l'obligation de notifier les recours administratifs et contentieux, a fait l'objet d'un affichage continu sur le terrain d'assiette du projet. Pour contester le moyen tiré de l'irrecevabilité de sa requête d'appel, la SARL appelante soulève celui tiré du défaut de lisibilité et de visibilité du panneau d'affichage sur le terrain depuis une voie publique ou ouverte à la circulation publique. Elle fait valoir, à cette fin, que la voie qui conduit au panneau d'affichage n'est pas publique, mais privée, d'une longueur de 450 mètres, d'accès interdit, se terminant en impasse et que l'affichage se tient au-delà de sa propriété. Or il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations et du procès-verbal établi par un huissier le 20 juillet 2016 qui constate que le panneau " sens interdit - propriété privée - défense d'entrer " a été apposé récemment à l'entrée du chemin privé, que le panneau d'affichage était visible de cette voie, laquelle était, pour la période en cause, ouverte au public. Si la SARL ajoute que l'affichage est encore irrégulier pour n'avoir mentionné, ni la hauteur des constructions, ni la nature du projet, cette absence n'a aucune incidence sur la question de l'opposabilité aux tiers des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Il s'ensuit que M. A... n'ayant appris le dépôt de la requête d'appel de la SARL Casa di Petra que par le courrier adressé par la Cour, sans jamais avoir reçu de notification par lettre recommandé avec accusé de réception dans le délai de 15 jours suivant l'enregistrement de cette requête, ladite requête doit, dès lors, être regardée au regard des dispositions précitées comme irrecevable.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens tirés de l'irrégularité du jugement et du défaut d'intérêt à agir opposé en défense, que la SARL Casa di Petra n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
7. Il y a lieu, en application des dispositions susmentionnées, de mettre à la charge de la SARL Casa di Petra la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Porto-Vecchio, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par la SARL Casa di Petra au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Casa di Petra est rejetée.
Article 2 : La SARL Casa di Petra versera une somme de 2 000 euros à M.A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Casa di Petra, à M. D... A...et à la commune de Porto-Vecchio.
Délibéré après l'audience du 25 février 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président de chambre,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mars 2019.
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N° 17MA04933