Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 avril 2018 et le 20 novembre 2018, M.C..., représenté par Me Coupard, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 novembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 15 octobre 2015 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer un document de circulation à M. B... D... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision du préfet est entachée d'un vice d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de la situation de son petit-fils ;
- le préfet s'est cru obligé de rejeter sa demande ;
- l'intérêt supérieur de son petit-fils commande de délivrer à ce dernier un document de circulation pour étranger mineur, en application de l'article 3-1 de la convention de New-York.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55 % a été accordé à M. C... par décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les parents d'B...D..., né le 20 juin 2003, ont décidé, en raison de leur situation matérielle difficile, de confier leur enfant à son grand-père, M.C..., suivant un acte de " kafala " résultant d'un jugement rendu le 2 mars 2006 par une juridiction marocaine. B...est entré en France en 2011. M.C..., titulaire en France d'une carte de résident, relève appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 15 octobre 2015 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer au profit de son petit-fils un document de circulation pour étranger mineur.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants... l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. L'intérêt supérieur d'un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier du document de circulation prévu par l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne constitue pas un titre de séjour mais est destiné à faciliter le retour sur le territoire national, après un déplacement hors de France, des mineurs étrangers y résidant, s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l'obligation de présenter un visa.
4. Il ressort des pièces du dossier que les quatre demandes de visa court séjour formulées par la mère du jeune B...résidant au Maroc afin de se rendre en France pour voir son fils ont été rejetées en 2012, 2014 et 2017. L'intérêt supérieur d'B... est de pouvoir maintenir un lien avec sa mère, alors qu'il n'est pas assuré, s'il se rend au Maroc, de pouvoir revenir en France de façon rapide alors qu'il y est scolarisé depuis 2011. Admis par ailleurs en classe de 6ème à la date de la décision préfectorale contestée, son intérêt supérieur commande également qu'il puisse se déplacer librement hors du territoire national, notamment à l'occasion de voyages scolaires, alors qu'il soutient sans être contredit et en produisant pour la première fois en appel la liste des pièces réclamées par l'établissement scolaire, sur laquelle figure le document de circulation pour étranger mineur, avoir été empêché de se rendre avec sa classe en voyage au Royaume-Uni. Dans ces conditions, et quand bien même le jeune B...ne remplirait pas les conditions posées par l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un document de circulation pour étranger mineur, la décision du préfet méconnaît dans les circonstances particulières de l'espèce les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Le jugement du 9 novembre 2017 et la décision du préfet du 15 octobre 2015 doivent donc être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique que le préfet de l'Hérault délivre à M. C...un document de circulation pour étranger mineur au profit de son petit-fils B...D..., dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Coupard, avocate de M.C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Coupard, de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 9 novembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier et la décision du 15 octobre 2015 du préfet de l'Hérault sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. C...un document de circulation pour étranger mineur au profit de son petit-fils B...D..., dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Coupard la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Coupard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Me Coupard et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.
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N° 18MA01894