Procédure devant la Cour :
Par une première requête n° 17MA00200, enregistrée le 12 janvier 2017, Mme B... épouseC..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 septembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 10 novembre 2015 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans le mois de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte fixée à 150 euros par jour de retard et, subsidiairement, d'ordonner au préfet de réexaminer sa situation dans le mois suivant la notification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
1) sur la décision portant refus d'admission au séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ont été méconnues ;
- la décision méconnaît aussi les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
2) sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée en tant qu'elle porte refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
- elle est également privée de base légale, dès lors qu'elle se fonde sur les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lesquelles sont incompatibles avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- par exception, l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour emporte l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- cette décision méconnaît enfin les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... épouse C...ne sont pas fondés.
Mme B... épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une deuxième requête n° 17MA00203, enregistrée le 12 janvier 2017, Mme B... épouseC..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du 21 septembre 2016 ;
2°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans le mois de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte fixée à 150 euros par jour de retard et, subsidiairement, d'ordonner au préfet de réexaminer sa situation dans le mois suivant la notification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour lui et sa famille des conséquences difficilement réparables ; il reprend les moyens développés dans sa requête au fond.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est sérieux.
Mme B... épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.
Vu :
- la copie de la requête au fond, enregistrée le 12 janvier 2017, par télérecours, sous le n° 17MA00200 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu pour les deux requêtes :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et 1'administration ;
-la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 et l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par jugement du 21 septembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme B... épouseC..., de nationalité algérienne, née le 6 novembre 1987, tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme B... épouse C... relève appel de ce jugement et a également déposé une demande de sursis à exécution ;
Sur la jonction :
2. Considérant que les requêtes susvisées n° 17MA00200 et n° 17MA00203 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul et même arrêt ;
Sur la requête n° 17MA00200 :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
4. Considérant que Mme B... épouse C...soutient sans l'établir qu'elle est entrée en France le 1er avril 2012 après avoir vécu en Espagne avec son époux jusqu'en 2008 ; qu'il ressort en revanche des pièces du dossier que l'appelante, séparée de son époux et s'occupant de ses trois enfants en bas âge, est titulaire d'un titre de séjour espagnol, valable jusqu'au 14 avril 2017, lui permettant de travailler ; que si elle se prévaut de la résidence régulière en France de plusieurs membres de sa famille dont son père, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2020, de deux de ses frères et une de ses soeurs, mariés, titulaires de cartes de résident valables respectivement jusqu'en 2016, 2022 et 2023, elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident notamment sa mère et cinq de ses frères et soeurs et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans ; que, par ailleurs, Mme B... épouse C...ne fait état d'aucune insertion socio-économique particulière dans la société française ; qu'enfin, si Mme B... épouse C...soutient que l'état de santé de son père, lequel souffre d'une insuffisance rénale nécessitant trois dialyses par semaine, rend nécessaire sa présence à ses côtés elle n'établit pas être la seule à pouvoir s'en occuper alors même que trois de ses frères et soeurs résident dans la même rue que leur père ; qu'enfin, il n'existe aucun obstacle à la reconstitution de sa vie familiale en Espagne ou dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées, ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'il ne ressort pas plus des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation de l'appelante, alors même que ses enfants sont récemment scolarisés en France ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que sur les trois enfants de Mme B... épouseC..., âgés respectivement de trois, six et huit ans, deux étaient scolarisés en classe de grande et petite section de maternelle à la date de la décision en litige ; que l'arrêté du 10 novembre 2015 n'a pas pour effet de mettre fin à leur scolarité, qui est récente et peut être poursuivie en Espagne, pays dans lequel elle possède un titre de séjour valide à la date de la décision attaquée, ni d'entraîner la séparation des enfants de Mme B... épouse C...avec leur père, dès lors que la requérante est séparée depuis quatre ans de son mari ; que, dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas, en prenant l'arrêté en litige, méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
7. Considérant, en troisième et dernier lieu, que les autres moyens de la requête de Mme B... épouse C...tirés de l'insuffisance de motivation des décisions, de la privation de base légale, de l'exception d'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour doivent être écartés pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges qu'il y a lieu d'adopter ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par la même décision juridictionnelle " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par l'appelante ne peuvent être accueillies ;
Sur la requête n° 17MA00203 :
11. Considérant que la Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué sous le n° 17MA00203 ;
Sur les conclusions tendant à l'application combinée des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à l'avocat de la requérante la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17MA00203.
Article 2 : La requête n° 17MA00200 de Mme B... épouse C...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouse C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.
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N° 17MA00200, 17MA00203