Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2015, sous le n° 15MA01226, M. C...B..., représenté par Me A...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 12 mars 2015 ;
2°) d'annuler les décisions précitées portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle renonce par avance, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le préfet des Alpes-Maritimes aurait dû saisir la commission de titre de séjour dès lors qu'il justifie résider en France depuis le 17 janvier 2004 ;
- l'arrêté querellé méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cet arrêté viole les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Un courrier du 26 novembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 29 décembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., de nationalité philippine, relève appel du jugement en date du 12 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 18 novembre 2014 du préfet des Alpes-Maritimes portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ;
3. Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;
5. Considérant que M. B... soutient que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée dès lors qu'il justifie résider en France depuis le 17 janvier 2004 ; que, cependant, sa présence habituelle sur le territoire national pour l'année 2004 n'est pas sérieusement démontrée par la seule production d'un billet d'avion Amsterdam-Copenhague en date du 17 janvier 2004 et de deux transferts d'argent en date des 9 février et 25 octobre 2004 qui ne mentionnent aucune adresse en France ; que les deux attestations établies les 9 et 10 octobre 2014 de proches déclarant avoir hébergé le requérant " à partir de 2004 jusqu'à août 2012 " sont dépourvues de toute valeur probante ; que M. B...ne peut ainsi être regardé comme apportant la preuve du caractère habituel de son séjour en France depuis dix ans à la date de l'arrêté en litige; qu'il s'en suit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;
7. Considérant que M. B... soutient qu'il est présent en France depuis plus de dix ans où résident son frère et sa soeur ; qu'il vit en concubinage avec une compatriote depuis 2012 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que sa compagne est également en situation irrégulière et fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 25 septembre 2014 ; que leur vie commune établie tout au plus à compter du mois de septembre 2012 par la production d'un bail de location aux deux noms est récente à la date de l'arrêté en litige ; que la circonstance que M. B... bénéficierait de deux promesses d'embauche n'est pas de nature à établir son insertion professionnelle ; que si le requérant soutient qu'un retour dans son pays d'origine est impossible dès lors qu'après plus de dix années, il n'y dispose de plus d'aucun lien, il ne l'établit pas alors qu'il y a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans ; qu'il ne fait état d'aucune circonstance qui empêcherait sa cellule familiale de s'y reconstituer ; que, dans ces conditions alors même qu'une partie de sa famille réside en France et qu'il bénéficierait de promesses d'embauche, l'arrêté en cause n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que cet arrêté aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;
8. Considérant qu'il ressort des mentions de l'arrêté querellé que le préfet des Alpes-Maritimes a usé du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en examinant si le requérant pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de ces dispositions dès lors que l'arrêté en litige précise que l'intéressé n'a produit aucun élément de nature à établir que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels ; que sur ce point, si le requérant se prévaut d'une présence en France depuis le mois de janvier 2004 laquelle n'est au demeurant pas valablement établie à compter de cette date, de deux promesses d'embauche en qualité de jardinier ou d'employé de maison, ces circonstances ne constituent pas des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation concernant la situation personnelle de M. B... ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B...n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) " ;
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : M. B...est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête par M. B...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 1er février 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 février 2016.
''
''
''
''
5
N° 15MA01226