Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 septembre 2016 et 16 janvier 2018, sous le n° 16MA03671, la SCI PVA, représentée par Me B... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 juillet 2016 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 5 mai et 4 novembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son gérant est recevable à agir en justice sans avoir à produire de document l'autorisant à introduire une requête d'appel ;
- sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 mai 2014 n'est pas tardive ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence d'utilité publique du projet ;
- il a estimé à tort que l'arrêté du 4 novembre 2014 était un nouvel arrêté déclaratif de cessibilité ;
- il aurait dû nécessairement vérifier si un changement dans les circonstances de fait et de droit était intervenu ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article L. 160-1 du code de l'urbanisme ;
- le préfet de l'Hérault a commis une erreur manifeste d'appréciation en intégrant sa parcelle dans son entier ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la SCI PVA ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2017, la commune de Montpellier et le société d'équipement de la région Montpelliéraine (SERM) concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge de la SCI PVA la somme de 2 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la SCI PVA ne sont pas fondés.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 16 avril 2018.
Un mémoire présenté par la SCI PVA a été enregistré le 7 mai 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour la commune de Montpellier et la SERM.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI PVA relève appel du jugement du 12 juillet 2016 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault, du 5 mai 2014, déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Nouveau Saint Roch " et cessible la totalité de la parcelle cadastrée EV 402 en vue de la réalisation de ce projet, ainsi que l'arrêté du 4 novembre 2014 prolongeant la cessibilité de cet immeuble.
Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'intérieur :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1849 du code civil : " Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social (...) ". Il résulte de ces dispositions que le gérant d'une société civile tient normalement de ses fonctions le droit d'agir en justice. Ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, tiré du défaut de capacité d'ester en justice du représentant de la SCI PVA doit être écartée.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 mai 2014 :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que l'arrêté du 5 mai 2014 en tant qu'il déclare d'utilité publique le projet d'aménagement de la ZAC " Nouveau Saint Roch " a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault du 9 mai 2014. La circonstance que la SCI PVA ait reçu notification de cet arrêté à l'occasion de la notification de l'arrêté du 4 mai 2014 prolongeant la cessibilité des immeubles nécessaires à cette opération est sans incidence sur la computation des délais de recours de l'arrêté contesté qui ont couru à compter de sa publication. La commune de Montpellier et la SERM sont dès lors fondées à faire valoir que les conclusions de la requête d'appel tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte déclaration d'utilité publique du projet en litige sont irrecevables en raison de leur tardiveté.
4. En second lieu, la SCI PVA ne conteste pas devant la Cour l'irrecevabilité opposée par les premiers juges à ses conclusions de première instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2014 en tant qu'il déclare cessibles les droits et biens immobiliers nécessaires à la réalisation de la ZAC " Nouveau Saint Roch ". Par suite, ses conclusions d'appel tendant aux même fins doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. En première instance, la SCI PVA a soutenu qu'il n'y avait aucune utilité publique à poursuivre l'appropriation forcée de la totalité de la parcelle EV 402 en raison de la suppression des places de stationnements affectées aux appartements loués par elle, ce qui aboutirait à violer la règlementation d'urbanisme applicable à ces immeubles. Toutefois, le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant à l'appui de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 5 mai 2014 en tant qu'il déclare d'utilité publique le projet d'aménagement de la ZAC " Nouveau Saint Roch ".
6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler le jugement attaqué et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2014.
Sur la légalité de l'arrêté du 4 novembre 2014 portant prorogation de la cessibilité des immeubles nécessaire à l'opération en litige :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :
7. Un arrêté de cessibilité n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 160-1 du code de l'urbanisme :
8. Aux termes de l'article L. 160-1 du code de l'urbanisme dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " (...) en cas d'infraction aux dispositions des plans d'occupation des sols, des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations visées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des projets et plans mentionnés ci-dessus ".
9. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 160-1 du code de l'urbanisme en raison de la suppression des places de parking sur la parcelle EV 402 est insusceptible d'avoir une influence sur la légalité de l'arrêté contesté. Il doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 5 mai 2014 en tant qu'il déclare d'utilité publique le projet d'aménagement de la ZAC " Nouveau Saint Roch " :
10. Aux termes de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme en vigueur alors : " Lorsque la réalisation d'un projet public ou privé de travaux, de construction ou d'opération d'aménagement, présentant un caractère d'utilité publique ou d'intérêt général, nécessite une mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme, ce projet peut faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet. / Dans ce cas, l'enquête publique porte à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général du projet et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence. / La déclaration d'utilité publique ou la déclaration de projet d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir qu'au terme de la procédure prévue par l'article L. 123-14-2. ".
11. Si la SCI PVA soutient que le projet d'aménagement de la ZAC " Nouveau Saint Roch " conduit à la suppression de quinze places de parking utilisées par des locataires d'immeubles situés sur la parcelle voisine, en méconnaissance des règles d'urbanisme, plus particulièrement celles de la zone 1 U1-8 du plan local d'urbanisme, elle ne démontre pas que ces dispositions seraient applicables aux bâtiments existants. Sur ce point, la SERM fait valoir sans être contestée que le bâtiment accueillant des logements situés sur la parcelle EV 401 n'est soumis à aucune obligation de places de stationnement dès lors qu'il a été construit avant la création des plans d'occupation des sols, instaurés par la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 et la loi du 15 juin 1943 qui a créé les permis de construire. Ce moyen doit dès lors être écarté.
12. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.
13. Il ressort des pièces du dossier et, plus particulièrement, de la notice explicative que le projet d'aménagement de la ZAC " Nouveau Saint Roch " s'inscrit dans le cadre du renouvellement du quartier de la gare Saint-Roch qui était jusque là délaissé. Il doit s'étendre sur 15 hectares et a pour objet la création de 1 500 à 1 700 logements dont 30 % à vocation sociale dans un contexte de pénurie de l'offre de logements sur la commune de Montpellier, de 30 à 50 000 m² de surfaces consacrées aux activités tertiaires, commerciales et hôtelières, de construction d'équipements publics à vocation culturelle et/ou scolaire, d'un parking de 800 places et la réalisation d'un parc public de 12 000 à 15 000 m². Il revêt ainsi nécessairement un caractère d'intérêt général, ce que ne conteste d'ailleurs pas la requérante.
14. La SCI PVA qui n'établit ni même n'allègue que l'expropriant serait en mesure de réaliser l'opération en litige dans des conditions équivalentes, soutient en revanche que l'inclusion totale de la parcelle cadastrée EV 402 dont elle est propriétaire n'est pas nécessaire à l'agrandissement et à l'alignement de la rue Catalan sur le bâtiment de la Poste qui ne justifie pas une emprise de 321 m² et que cette intégration créée une excroissance dans le tracé inexplicable. Toutefois, il ressort de la notice explicative que la ZAC " Nouveau Saint Roch " prévoit, entre autre, le recalibrage de certaines voiries existantes dont celui de la rue Catalan qui en constitue un des axes structurants. Elle permettra ainsi une meilleure gestion des flux de trafic et de la fluidité dans la zone de projet. En outre, la commune de Montpellier et la SERM font valoir sans être contestées que l'intégration de la parcelle EV 402 dans le périmètre du projet est justifiée par la nécessité d'assurer une courbe urbaine fine entre le nouveau quartier créé et les constructions existantes. Sa situation, en bordure de la ZAC et ses caractéristiques, notamment sa profondeur, répond à l'objectif de requalification de la rue Catalan par l'élargissement de la voie et l'aménagement de l'espace longeant la voie élargie. Par suite, l'inclusion de cette parcelle dans le périmètre de l'expropriation ne peut, dès lors, être regardée comme étant sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique. Par ailleurs, ces arguments ne sont pas de nature à établir que la nécessité de l'expropriation serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
15. Compte tenu de ce qui a été mentionné au point 13, les avantages du projet constitués, notamment, par la construction de logements neufs en centre-ville et la restructuration du quartier de la gare Saint-Roch sont supérieurs à ses inconvénients. En particuliers, s'il est soutenu que cette opération entraînera la suppression de quinze places de parking au droit de la parcelle appartenant à la SCI PVA qui, ainsi qu'il a été dit au point 11 ne méconnaît pas les règles d'urbanisme, cet inconvénient n'est pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique.
En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de procédure :
16. Aux termes de l'article R. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa version applicable à la date de l'arrêté contesté : " Le préfet transmet au greffe de la juridiction du ressort dans lequel sont situés les biens à exproprier un dossier qui comprend obligatoirement les copies : (...) 1° De l'acte déclarant l'utilité publique de l'opération et, éventuellement, de l'acte le prorogeant ; (...) 6° De l'arrêté de cessibilité ou de l'acte en tenant lieu, ayant moins de six mois de date. (...) ".
17. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 5 mai 2014, en tant qu'il déclare cessibles les immeubles nécessaires à la réalisation de la ZAC " Nouveau saint Roch ", n'a pas été transmis au juge de l'expropriation dans le délai de six mois prévu à l'article R. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Dans ces conditions, l'arrêté contesté du 4 novembre 2014, pris avant cette expiration doit être regardé comme prorogeant les effets de l'arrêté du 5 mai 2014 et non comme un nouvel arrêté de cessibilité. Il s'en suit que la SCI PVA ne peut utilement soutenir que l'arrêté en litige n'est intervenu que pour éviter la prise d'un nouvel arrêté de cessibilité qui aurait nécessité une enquête parcellaire. Par ailleurs, si elle allègue que les circonstances de droit et de fait ont changé depuis la clôture de l'enquête parcellaire, elle ne l'établit pas. Dès lors, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir :
18. L'opération d'aménagement de la ZAC " Nouveau Saint Roch ", dont le périmètre inclus la parcelle cadastrée EV 402 présente, pour les motifs exposés aux points 13 à 15, un caractère d'utilité publique. Cette inclusion, contrairement à ce que soutient la SCI PVA, ne peut donc être regardée comme ayant pour but exclusif d'améliorer l'équilibre financier de la zone par la création de deux bâtiments en R+3 au profit d'un promoteur immobilier. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit dès lors être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres irrecevabilités soulevées par le ministre de l'intérieur que la demande de la SCI PVA tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2014 doit être rejetée. La requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 mai 2014.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SCI PVA, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI PVA la somme demandée par la commune de Montpellier et la société d'équipement de la région Montpelliéraine, au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 juillet 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la SCI PVA tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 novembre 2014.
Article 2 : La demande présentée par la SCI PVA devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 novembre 2014 et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Montpellier et de la société d'équipement de la région Montpelliéraine présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI PVA, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à la commune de Montpellier et à la société d'équipement de la région Montpelliéraine.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Hameline, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2018.
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N° 16MA03671