Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2018, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 juillet 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de communiquer l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 30 janvier 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 du préfet de Vaucluse ;
4°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'absence de communication de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII, dont le magistrat rapporteur aurait dû exiger la production, méconnaît le principe du contradictoire ;
- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de la méconnaissance par la décision fixant le pays de destination des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté du préfet méconnaît les dispositions du 11 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le traitement nécessité par son état de santé n'étant pas disponible dans son pays d'origine ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Duran-Gottschalk a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante kosovare née en 1983, relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'elle avait sollicité en raison de son état de santé et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Sur la régularité du jugement contesté :
2. En premier lieu, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu par l'absence de communication par le préfet de l'avis rendu le 30 janvier 2018 par le collège de médecins de l'OFII, dès lors que la teneur de cet avis est retranscrite dans la décision préfectorale contestée et qu'aucun des moyens soulevés par la requérante ne portait sur sa régularité. Par ailleurs, les premiers juges, qui se sont estimés suffisamment éclairés par les pièces déjà versées au dossier, pouvaient ne pas en demander la transmission.
3. En second lieu, il ressort du point 19 du jugement contesté que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance par la décision fixant le pays de destination des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges ne se sont pas bornés à faire référence aux décisions de rejet rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, mais ont également précisé que Mme C...ne justifiait par aucun commencement de preuve qu'elle ou sa famille faisait l'objet de poursuites depuis le rejet de ces demandes d'asile et ne produisait aucun élément à l'appui de son moyen de nature à démontrer la réalité des risques allégués. Le jugement est ainsi suffisamment motivé sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
5. Mme C...souffre de troubles dépressifs en relation avec un syndrome de stress post-traumatique. Pour contester l'avis rendu le 30 janvier 2018 par le collège de médecins de l'OFII, lequel a estimé qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, elle produit une attestation du 23 janvier 2018 d'un neuropsychiatre exerçant au Kosovo, qui ne conteste pas l'existence de structures médicales aptes à soigner l'intéressée et est insuffisamment probante et précise sur l'absence au Kosovo de certains médicaments nécessités par son état de santé. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'enjoindre au préfet de communiquer l'avis du collège de médecins de l'OFII, la Cour étant suffisamment éclairée par les pièces déjà versées au dossier, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de Vaucluse aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en édictant l'arrêté du 9 janvier 2018.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard duquel le préfet a fait porter son examen : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...est entrée en France selon ses déclarations le 29 décembre 2014 à l'âge de trente et un ans, accompagnée de son époux et de leurs trois enfants mineurs. La demande d'asile du couple a été rejetée par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2015, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile. Mme C...n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine et il n'est pas démontré que la famille ne pourrait vivre au Kosovo et les enfants scolarisés dans ce pays. Compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, son époux étant également en situation irrégulière, le préfet n'a pas méconnu en édictant l'arrêté contesté les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, malgré les efforts d'insertion du couple, leur réussite au diplôme d'études en langue française et la scolarisation des enfants.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Ainsi qu'il a été exposé au point 7, il n'est pas démontré que les enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité au Kosovo. La requérante ne démontre pas non plus, par ses seules allégations, la réalité des risques encourus par la famille en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées en édictant l'arrêté contesté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Compte tenu de ce qui a été exposé au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision portant obligation de quitter le territoire français des dispositions précitées de l'article L. 511-4 doit être écarté.
11. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si la requérante soutient que la famille a fui le Kosovo en raison de menaces et de tentatives de racket du fait de la réalisation de travaux par l'entreprise de son époux pour le compte de ressortissants serbes, elle ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations, alors que sa demande d'asile et celle de son mari ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2018 du préfet de Vaucluse. Ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...épouseC..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 avril 2019.
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N° 18MA03566