Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me C... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont, à tort, estimé qu'elle ne justifiait pas de sa présence en France depuis plus de dix ans et qu'elle n'établissait pas y avoir fixé ses intérêts personnels et familiaux ;
- son insertion professionnelle justifie son admission exceptionnelle au séjour ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être consultée en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles L. 313-17 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'arrêté refusant son admission au séjour.
La requête a été communiquée le 22 novembre 2018 au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B... D..., rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante philippine née le 27 novembre 1966, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 16 novembre 2018 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 mai 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un tel titre et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel, passé ce délai, elle pourrait être envoyée d'office.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, selon l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
3. Si Mme A... affirme résider en France de manière continue depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, elle ne produit, pour l'année 2008, aucune pièce au titre de la période comprise entre le 1er mars et le 27 septembre, de telle sorte qu'elle n'établit pas, contrairement à ce qu'elle allègue, sa présence habituelle en France au cours de ces dix années, c'est-à-dire à compter de mai 2008. Le préfet n'a, dès lors, commis aucun vice de procédure en ne consultant pas la commission du titre de séjour.
4. En deuxième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. D'une part, la circonstance que la requérante dispose, depuis le mois de mai 2016, d'un logement loué à son nom et à celui d'une personne présentée comme sa compagne ne peut suffire à établir le caractère stable et ancien de la relation intime qu'elle dit vivre avec une compatriote en situation régulière ni même la réalité de cette relation, laquelle n'est documentée au surplus que par l'ouverture d'un compte bancaire commun en avril 2017 et quelques factures libellées à leurs deux noms. D'autre part, à supposer même que Mme A... puisse être regardée comme justifiant d'une résidence habituelle en France depuis la fin du mois de septembre 2008, il est constant qu'elle a fait l'objet, le 29 mars 2013, d'un précédent refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et n'a pas sollicité la régularisation de sa situation avant le mois de janvier 2013, démarche à l'occasion de laquelle, au surplus, elle avait déclaré être entrée sur le territoire français le 16 août 2012. Enfin, si ses parents sont décédés en 1990 et 1997, Mme A..., sans charge de famille sur le territoire national et qui a indiqué lors de sa précédente demande d'asile en 2013 être mère de cinq enfants résidant aux Philippines, n'établit pas être dépourvue de liens personnels et familiaux dans son pays d'origine, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-deux ans, soit la majeure partie de sa vie, y compris de sa vie d'adulte. Par suite, alors même qu'elle est titulaire de promesses d'embauches en qualité d'employée de maison, qu'elle a travaillé de juin à août 2017 et au mois de novembre 2017 neuf heures par mois, qu'elle paie des impôts et qu'elle maîtrise convenablement la langue française, la décision en litige, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, cette décision n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En troisième lieu, si Mme A... bénéficie de promesses d'embauches en qualité d'employée de maison, l'expérience éventuellement acquise dans cette profession et ses perspectives de recrutement ne sauraient, compte tenu des caractéristiques de l'emploi occupé et de la durée de travail dont l'intéressée peut se prévaloir, être regardées comme constituant un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, aucun motif humanitaire n'est invoqué par l'intéressée à l'appui de ce moyen. C'est par conséquent sans méconnaître ces dispositions ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation de Mme A... que le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre à titre exceptionnel au séjour.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à exciper d'une telle illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice et de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 mai 2018. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées, pour le compte de son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme B... D..., présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.
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N° 18MA04867