Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Bautes, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification à intervenir, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me Bautes au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet de l'Hérault ayant estimé que sa demande d'asile constituait une demande de réexamen, elle a été privée de garanties ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur de droit faute d'un examen réel et complet de sa situation ;
- la décision est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit car elle ne se trouve pas en situation de réexamen ;
- le préfet de l'Hérault a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'éloignant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... Guillaumont, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Ressortissante arménienne née le 23 juillet 1980, Mme B... est, selon ses déclarations, entrée pour la première fois en France le 9 mars 2020. Sa demande d'asile a été rejetée le 21 octobre 2020 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par un arrêté du 28 décembre 2020, le préfet de l'Hérault a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français dans un délai de quatre mois. Mme B... a demandé l'annulation de ces décisions au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier le 13 janvier 2021, lequel a rejeté cette demande par le jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ". Aux termes des dispositions du I de l'article L. 723-2 de ce code, dans leur rédaction alors en vigueur : " L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". En vertu des dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors applicable : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ".
3. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français attaquée vise les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les motifs pour lesquels Mme B... s'est vu refuser l'asile et ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée.
4. Si, en deuxième lieu, Mme B... soutient avoir été privée de garanties au cours de l'examen de sa demande, ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision susceptible de permettre à la Cour de statuer sur son bien-fondé, ne peut dès lors qu'être écarté.
5. Il est vrai, en troisième lieu, que la décision attaquée est entachée d'erreur de fait en ce qu'elle mentionne que " l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, en application de l'article L. 723-2-I-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, statué en procédure accélérée sur la demande de réexamen de Mme B... " dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le recours à cette procédure par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'explique non par le fait que la requérante a présenté une seconde demande, mais par le fait que Mme B... provient d'un pays d'origine sûr. Il résulte toutefois de l'instruction que le préfet aurait édicté la même décision s'il avait pris en compte ce dernier motif d'admission de la requérante en procédure accélérée, motif qui suffisait à justifier que cette procédure fût suivie et que Mme B... se voie refuser le droit au maintien sur le territoire français. Il en résulte que l'erreur de fait entachant ainsi l'un des motifs de la décision attaquée est sans incidence sur le sort à réserver aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, qui n'est entachée sur ce point d'aucune erreur de droit.
6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision attaquée que le préfet de l'Hérault a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme B... avant de décider son éloignement. Le moyen d'erreur de droit qu'elle soulève sur ce point doit dès lors être écarté.
7. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... ne résidait en France que depuis neuf mois à la date d'intervention de la mesure d'éloignement attaquée, après avoir vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans en Arménie. Si elle fait valoir qu'elle vit en concubinage avec l'un de ses compatriotes en situation régulière et qu'elle se trouvait enceinte à la date de l'arrêté attaqué du fait de cette union, la stabilité de cette relation ne peut être regardée comme établie faute de toute pièce de nature à l'attester et, en tout état de cause, de sa faible durée à la date d'intervention de l'arrêté, à laquelle la requérante n'était enceinte que depuis deux mois environ, sans qu'il soit allégué ou qu'il ressorte des pièces du dossier que Mme B... ne pourrait, pour des raisons médicales, voyager vers l'Arménie avec son fils né le 12 juillet 2021. Par ailleurs, si Mme B... fait état de liens amicaux et sociaux développés en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que ceux-ci seraient particulièrement intenses en comparaison de ceux que la requérante a nécessairement tissés en Arménie. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise, et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, par suite, être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
10. Si Mme B... fait valoir qu'elle encourt des risques en cas de retour en Arménie en raison des violences commises à son égard par son ancien compagnon et fait état sur ce point de l'existence d'une demande d'asile pendante devant la Cour nationale du droit d'asile à la date de l'arrêté attaqué, elle n'apporte aux débats aucun élément de fait précis susceptible d'établir la réalité des risques qu'elle encourrait dans l'hypothèse où elle regagnerait son pays d'origine, et ne démontre dès lors pas qu'elle serait exposée personnellement à des traitements inhumains ou dégradants au sens des stipulations précitées en cas de retour en Arménie. Le moyen tiré de leur méconnaissance doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de Mme B... n'est pas entachée des illégalités qu'elle allègue. Dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français.
13. En deuxième lieu, l'interdiction de retour sur le territoire français attaquée mentionne, outre les dispositions sur lesquelles elle se fonde, la durée de présence de Mme B... en France, la nature et l'ancienneté de ses liens en France, l'absence de mesure d'éloignement auparavant prise à son encontre et l'absence de menace à l'ordre public émanant de son comportement. Elle est par suite, contrairement à ce que soutient Mme B..., suffisamment motivée.
14. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, si Mme B... ne constitue pas une menace pour l'ordre public et n'a fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement avant l'intervention de l'arrêté attaqué, ses attaches en France se limitent à son concubin, avec lequel, ainsi qu'il a été dit au point 8 ci-dessus, elle n'a créé une relation que très récemment, et à des liens sociaux très récents et limités. En outre, si Mme B... était enceinte depuis deux mois à la date de la décision attaquée, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'interdiction de retour sur le territoire français, par sa durée de quatre mois, était de nature à remettre en cause le suivi de sa grossesse ou la possibilité pour elle d'accoucher dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Par ailleurs, ainsi qu'indiqué précédemment, Mme B... a donné naissance à son fils le 12 juillet 2021. Enfin, Mme B... n'était présente en France que depuis neuf mois à la date de l'arrêté attaqué et elle n'apparaît pas dépourvue de toute attache en Arménie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur d'appréciation en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 décembre 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me Bautes sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Me Bautes et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. A... Guillaumont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 octobre 2021.
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N° 21MA02132