I. Par une requête, enregistrée le 21 mai 2019 sous le n° 19MA02301, Mme C... épouse A... E..., représentée par la SCP Dessalces, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision prise à son encontre par le préfet de l'Hérault le 12 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " citoyen de l'union européenne ", dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros, cela au bénéfice de la SCP Dessalces, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à son propre bénéfice en cas de refus d'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé car il ne répond pas au moyen tiré de l'erreur de droit résultant de l'absence de prise en compte de l'accident ayant contraint son époux à cesser son activité professionnelle, qui devait se traduire par la prolongation de son droit au séjour ;
- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a fait une inexacte application du 2° de l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a méconnu l'article 14 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;
- le préfet a méconnu l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 ;
- il a porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... épouse A... E... ne sont pas fondés.
Mme C... épouse A... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2019.
II. Par une requête, enregistrée le 21 mai 2019 sous le n° 19MA02302, M. A... E..., représenté par la SCP Dessalces, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision prise à son encontre par le préfet de l'Hérault le 12 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " citoyen de l'union européenne ", dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros, cela au bénéfice de la SCP Dessalces en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à son propre bénéfice en cas de refus d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé car il ne répond pas au moyen tiré de l'erreur de droit résultant de l'absence de prise en compte de l'accident l'ayant contraint à cesser son activité professionnelle, qui devait se traduire par la prolongation de son droit au séjour ;
- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a fait une inexacte application du 2° de l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a méconnu l'article 14 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;
- le préfet a méconnu l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 ;
- il a porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... épouse A... E... ne sont pas fondés.
M. A... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes nos 19MA02301 et 19MA02302 présentées par M. A... E... et Mme C... épouse A... E..., sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Entrés pour la première fois en France en mai 2011 selon leurs déclarations, M. A... E..., né le 25 avril 1969 et de nationalité espagnole, et son épouse, Mme A... E... née C..., ressortissante marocaine née le 5 septembre 1979, ont obtenu plusieurs titres de séjour portant respectivement les mentions " citoyen de l'Union européenne " et " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne " à compter de 2013. Ils ont demandé, le 1er décembre 2016 le renouvellement de ces titres. Par deux décisions du 12 juin 2017, le préfet de l'Hérault a rejeté cette double demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions. ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les enfants d'un citoyen de l'Union européenne qui se sont installés dans un Etat membre alors que leur parent exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet État membre sont en droit d'y séjourner afin d'y poursuivre des cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle, et que le parent qui a effectivement la garde de ces enfants, quelle que soit sa nationalité, est en droit de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice de ce droit, sans qu'il soit tenu de satisfaire aux conditions de disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète définies dans la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... E... a été titulaire de contrats de travail en France de mai 2012 à septembre 2012 et de décembre 2013 à juin 2014 et a donc été employé au sens des dispositions précitées, ce qui a d'ailleurs justifié l'octroi des titres de séjour mentionnés au point 2. Le requérant affirme par ailleurs sans être contredit que ses enfants se sont installés en France en sa compagnie et celle de son épouse en 2011 et ont été scolarisés de manière continue depuis cette date. Il démontre qu'ils étaient ainsi scolarisés à la date où il exerçait une activité professionnelle et l'étaient toujours à la date de la décision en litige. M. A... E..., dont il n'est pas contesté qu'il avait alors la garde de ses enfants, est dès lors fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées en lui refusant le séjour. Il en résulte que Mme C... épouse A... E..., dont il n'est pas davantage contesté qu'elle avait également la garde de ses enfants à la date de la décision attaquée, est de même fondée à soutenir que ces dispositions ont été méconnues par la décision de refus de séjour la concernant.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. A... E... et Mme C... épouse A... E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 12 juin 2017 leur refusant la délivrance de titres de séjour. Il y donc lieu d'annuler ce jugement ainsi que, par voie de conséquence, ces deux décisions.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
7. Eu égard au motif pour lequel le présent arrêt annule les décisions du préfet de l'Hérault du 12 juin 2017 et en l'absence de tout changement dans la situation des requérants, il y a lieu d'enjoindre à ce préfet de délivrer à M. A... E... un titre de séjour portant la mention " citoyen de l'Union européenne " et à Mme C... épouse A... E... un titre de séjour portant la mention " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne ", cela dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Les requérants ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, sous réserve que la SCP Dessalces renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État aux deux missions d'aide juridictionnelle qui lui ont été confiées, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette société d'avocats de la somme globale de 2 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1703295, 1703296 du tribunal administratif de Montpellier du 11 avril 2019 et les décisions du préfet de l'Hérault du 12 juin 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. A... E... un titre de séjour " citoyen de l'Union européenne " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme C... épouse A... E... un titre de séjour " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme globale de 2 000 euros à la SCP Dessalces, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État aux deux missions d'aide juridictionnelle qui lui ont été confiées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... E..., à Mme B... C... épouse A... E..., à la SCP Dessalces et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- M. D... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 septembre 2019.
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Nos 19MA02301, 19MA02302