Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 13 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir en application des dispositions de l'article L. 911-1 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile ne lui ayant pas été notifiée, elle disposait d'un droit au séjour et ne pouvait être éloignée ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête de M. C... a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entrée pour la première fois en France le 15 octobre 2016 selon ses déclarations, Mme C..., née le 27 septembre 1996 et de nationalité nigériane, a demandé le 10 septembre 2018 à se voir reconnaître le statut de réfugiée. L'office français de protection des réfugiés et apatrides ayant rejeté cette demande le 13 mars 2019, le préfet du Var a prescrit l'éloignement de l'intéressée par un arrêté du 13 mai 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Mme C... fait valoir sans être contredite qu'elle a été contrainte à se prostituer par un réseau de proxénétisme dès son entrée en France à l'âge de vingt ans. Il ressort des pièces du dossier que si l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile en estimant insuffisamment établis les risques de représailles qu'elle dit encourir au Nigéria, l'intéressée a, depuis lors, déposé plainte et s'est constituée partie civile contre les membres du réseau de prostitution l'ayant contrainte à se prostituer, de telle sorte qu'elle s'expose nécessairement à des risques importants de représailles tant en France qu'au Nigeria. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est hébergée dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale régi par les dispositions de l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles, lesquelles disposent que " des places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale sont ouvertes à l'accueil des victimes de la traite des êtres humains, du proxénétisme et de la prostitution dans des conditions sécurisantes ", et que ce centre veille à son insertion et l'appuie dans ses démarches, conformément à ces dispositions. Enfin, les actions pénale et civile engagées par la requérante appellent nécessairement sa présence sur le territoire français eu égard à la gravité des faits en cause et à leur incidence sur la reconstruction de l'intéressée. Mme C... est dès lors fondée à soutenir que le préfet du Var a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressée en l'obligeant à quitter le territoire français. Aucun autre moyen n'est en revanche de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée.
3. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 13 mai 2019. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
5. Il y a lieu, eu égard au motif d'annulation énoncé ci-dessus et en l'absence de tout changement intervenu dans la situation de Mme C..., d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois.
Sur les frais liés au litige :
6. La requérante a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon du 21 juin 2019 et l'arrêté du préfet du Var du 13 mai 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Var de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me A..., sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulon.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme F... G..., présidente assesseure,
- M. E... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.
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N° 19MA03333