Procédure devant la Cour :
I. - Par une requête enregistrée le 19 février 2020 sous le n° 20MA00883, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 septembre 2019 ;
3°) de faire injonction au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans les quinze jours suivant la notification de l'arrêt à venir ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux a été pris en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant ;
- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est exposé, en cas de retour en Turquie, à un risque de persécutions.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 juillet 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2020.
Par une décision du 4 septembre 2020, la demande de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée.
II. - Par une requête enregistrée le 2 mars 2020 sous le n° 20MA001029, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1908929 du 9 janvier 2020, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;
2°) de faire injonction au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans la semaine suivant la notification de l'arrêt à venir et de réexaminer sa situation ;
3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque de l'exposer à des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens invoqués dans sa requête au fond sont sérieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 juillet 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2020.
Par une décision du 4 septembre 2020, la demande de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme D... E..., rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes nos 20MA00883 et 20MA001029 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
2. M. B..., né en 1973 et de nationalité turque, relève appel et demande le sursis à exécution du jugement, en date du 9 janvier 2020, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 septembre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui assignant l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel, passé ce délai, il pourrait être renvoyé d'office.
Sur la requête n° 20MA00883 :
En ce qui concerne la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
3. La demande de M. B... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle ayant été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 4 septembre 2020, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, qui ont perdu leur objet.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté en tant qu'il porte refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
4. En premier lieu, M B... reprend devant la Cour le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cependant, le requérant se borne à produire, en plus des justificatifs déjà versés aux débats de première instance, des articles de presse évoquant la situation générale des couples non mariés et du concubinage, tant en Turquie qu'au Maroc, pays dont son épouse, également en situation irrégulière sur le territoire national a la nationalité, articles ne permettant pas d'apporter, à eux seuls, la démonstration de la prétendue impossibilité pour son foyer de résider ailleurs qu'en France, même si l'enfant du couple est né avant la célébration de son mariage. Par ailleurs, la double circonstance qu'il est locataire d'un logement dont il s'acquitte du loyer et en règle les factures d'électricité et qu'il déclare ses revenus ne saurait suffire à démontrer l'insertion sociale significative alléguée, alors même qu'il séjourne sur le territoire national de manière continue depuis plusieurs années. Enfin, la circonstance que son fils, né en 2017, a récemment été admis en crèche ne permet pas d'établir sa " pleine intégration " en France ainsi que celle de sa famille. Par suite, M. B..., ainsi que l'a jugé le tribunal, n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. M. B... soutient que l'arrêté contesté en tant qu'il porte sur le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours méconnait les stipulations citées au point 5. Toutefois, ces décisions n'impliquent pas, par elles-mêmes, l'éclatement de la cellule familiale, la mère de l'enfant, au vu des pièces du dossier, faisant l'objet d'une mesure de même nature. Elles n'ont, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté en tant qu'il fixe le pays de destination :
7. En premier lieu, à supposer que M B... ait entendu, en arguant d'un risque de persécutions en cas de retour en Turquie, soulever à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi un moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne démontre pas en se bornant, d'une part, à rappeler que son frère a obtenu le statut de réfugié, d'autre part, à indiquer sans autre précision qu'il est à la fois alévi et sympathisant de la résistance kurde et, enfin, à faire état de considérations générales relatives à la situation politique en Turquie étayée par des coupures de presse, être effectivement exposé dans ce pays à des menaces actuelles et personnelles.
8. En second lieu, M. B... soutient, et il ressort du dossier de première instance, que la décision fixant le pays de destination de son épouse indique qu'elle sera éloignée vers le Maroc, " pays dont elle a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel elle établit être légalement admissible " alors que lui-même sera éloigné vers la Turquie, " pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible ". Chacun de ces deux arrêtés, faute de limiter l'éloignement de l'étranger vers les pays où son conjoint ainsi que son enfant sont légalement admissibles, permet de renvoyer les époux dans un pays différent, ce qui aurait nécessairement pour effet de séparer, même provisoirement, l'enfant de l'un de ses parents, ainsi que le fait valoir M. B..., ce que le préfet ne conteste pas. La mise à exécution, dans ces conditions, des décisions fixant le pays de destination de chacun des membres du couple méconnaît ainsi les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, rappelées au point 5, qui font obstacle à l'exécution simultanée de mesures d'éloignement de chacun des parents vers deux pays différents. Il en résulte que la décision litigieuse doit être annulée en tant qu'elle emporte éloignement de M. B... à destination d'un pays différent de celui vers lequel son épouse est éloignée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur la décision fixant le pays de destination duquel il serait éloigné.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
11. L'annulation de la décision en date 26 septembre 2019 en tant qu'elle prévoit la possibilité de l'éloigner à destination d'un pays différent du pays de destination de son épouse n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur la requête n° 20MA001029 :
12. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement du 9 janvier 2020, ainsi que celles tendant à ce qu'il soit fait injonction à l'autorité préfectorale de délivrer au requérant une autorisation provisoire de séjour, sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
13. M. B... n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil, Me C..., ne peut se prévaloir, dans chacune des deux instances, des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions formées par M. B... tendant à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle à titre provisoire présentée dans le cadre de l'instance n° 20MA00883.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20MA001029 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 janvier 2020 et à ce que soit adressée une injonction au préfet des Bouches-du-Rhône.
Article 3 : L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 25 septembre 2019 est annulé en tant qu'il rend possible l'éloignement de M. B... à destination d'un pays différent du pays de renvoi de son épouse.
Article 4 : Le jugement du 9 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20MA00883 est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par le conseil de M. B... dans les instances n° 20MA00883 et n° 20MA01029 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme D... E..., présidente assesseure,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2020.
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Nos 20MA00883-20MA01029