Par un jugement n° 1601894-1602692 du 28 février 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions attaquées et rejeté le surplus des demandes de la requérante.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2017, le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 février 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme F... épouse A...devant le tribunal administratif de Montpellier.
Il soutient que :
- Mme F... n'ayant pas validé sa formation médicale de base dans un Etat membre de l'Union Européenne, elle ne relève pas des dispositions de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 ;
- en tout état de cause, un candidat ressortissant d'un Etat membre ne peut se présenter aux examens nationaux classants pour la première fois que durant l'année universitaire au cours de laquelle il a validé sa formation médicale de base, ce qui n'est pas le cas de Mme F... épouseA... ;
- les autorités espagnoles n'ont procédé à aucune vérification de la formation médicale de Mme F... épouseA....
Par un mémoire enregistré le 30 octobre 2017, Mme D... F...épouseA..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ;
2°) d'enjoindre au directeur du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière de l'inscrire aux épreuves classantes nationales ;
3°) de mettre une somme de 1 000 euros à la charge du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son diplôme a été homologué par l'Etat espagnol ;
- il constitue un titre de formation au sens de la directive du 7 septembre 2005, de telle sorte qu'elle devait être inscrite aux épreuves classantes nationales ;
- le refus qui lui a été opposé méconnaît, outre les dispositions de la directive, le principe de libre circulation des professionnels au sein de l'Union ;
- les décisions du 10 mars 2016 et du 13 mai 2016 méconnaissent en outre les dispositions de l'article R. 632-1 du code de l'éducation ;
- sa demande d'inscription pour la session 2016/2017 n'était pas tardive.
Par une ordonnance du 10 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;
- le code de l'éducation ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur ;
- les conclusions de M. C... Thiele, rapporteur public.
1. Considérant que Mme F... épouseA..., qui a acquis la nationalité française le 6 janvier 2015, a obtenu des autorités espagnoles, le 29 septembre 2015, l'homologation du diplôme sanctionnant la fin des études de médecine qui lui a été délivré le 5 février 2015 par les autorités argentines ; qu'ayant demandé à s'inscrire aux épreuves nationales classantes conditionnant l'accès au troisième cycle d'études médicales, elle s'est vu refuser cette inscription par trois décisions des 10 novembre 2015, 10 mars 2016 et 13 mai 2016 du directeur du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les décisions du 10 novembre 2015 et du 10 mars 2016 :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 632-2 du code de l'éducation dans leur rédaction alors en vigueur : " Le troisième cycle des études médicales est ouvert à tous les étudiants ayant validé le deuxième cycle des études médicales " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 632-12 du code de l'éducation, dans leur rédaction alors en vigueur : " Des décrets en Conseil d'Etat déterminent : / 1° Les conditions dans lesquelles les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, de la principauté d'Andorre ou des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, titulaires d'un diplôme de fin de deuxième cycle des études médicales ou d'un titre équivalent, peuvent accéder au troisième cycle des études médicales (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 632-1 du même code, dans leur rédaction en vigueur à la date du 10 novembre 2015 : " Peuvent accéder au troisième cycle des études médicales : / 1° Les étudiants ayant validé le deuxième cycle des études médicales en France ; / 2° Les étudiants ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, de la Confédération helvétique ou de la Principauté d'Andorre ayant validé une formation médicale de base mentionnée à l'article 24 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Un arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé détermine les conditions dans lesquelles sont appréciées ces équivalences " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 2 de la directive du 7 septembre 2005 : " 1. La présente directive s'applique à tout ressortissant d'un État membre, y compris les membres des professions libérales, voulant exercer une profession réglementée dans un État membre autre que celui où il a acquis ses qualifications professionnelles (...) 2. Chaque État membre peut permettre sur son territoire, selon sa réglementation, l'exercice d'une profession réglementée au sens de l'article 3, paragraphe 1, point a), aux ressortissants des États membres titulaires de qualifications professionnelles qui n'ont pas été obtenues dans un État membre. Pour les professions relevant du titre III, chapitre III, cette première reconnaissance se fait dans le respect des conditions minimales de formation visées audit chapitre " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 21 de la directive : " 1. Chaque État membre reconnaît les titres de formation de médecin, donnant accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base et de médecin spécialiste (...) visés respectivement à l'annexe V, (...), qui sont conformes aux conditions minimales de formation visées respectivement aux articles 24, 5, 31, 34, 35, 38, 44 et 46, en leur donnant, en ce qui concerne l'accès aux activités professionnelles et leur exercice, le même effet sur son territoire qu'aux titres de formation qu'il délivre. / Ces titres de formation doivent être délivrés par les organismes compétents des États membres (...) " ; qu'aux termes du 2 de l'article 24 de cette même directive : " La formation médicale de base comprend au total au moins six années d'études ou 5 500 heures d'enseignement théorique et pratique dispensées dans une université ou sous la surveillance d'une université (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la seule condition pour accéder au troisième cycle des études médicales est d'avoir validé, soit le deuxième cycle accompli en France, soit une formation médicale de base d'au moins six ans acquise dans un Etat membre de l'Union européenne, un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la Confédération suisse ou la Principauté d'Andorre conformément aux dispositions de la directive communautaire précitée ; qu'il en résulte que, si Mme F... épouse A...a bénéficié, de la part des autorités espagnoles et sur le fondement du 2 de l'article 2 de la directive du 7 septembre 2005 de la première reconnaissance de son diplôme de médecin délivré par les autorités argentines, elle n'entre pas dans les prévisions des dispositions de l'article R. 632-1 du code de l'éducation ; que le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que les autorités espagnoles avaient homologué le diplôme de Mme F... épouse A...pour annuler les décisions du 10 novembre 2015 et du 10 mars 2016 ;
En ce qui concerne la décision du 13 mai 2016 :
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 632-10 du code de l'éducation dans leur rédaction alors en vigueur : " Les candidats ne peuvent se présenter aux épreuves classantes nationales mentionnées à l'article R. 632-4 et effectuer le choix prévu à l'article R. 632-9, sauf empêchement prévu à l'article R. 632-11, que deux fois : / a) La première fois durant l'année universitaire au cours de laquelle ils remplissent les conditions prévues à l'article R. 632-1, qui sont appréciées au plus tard à la date de la délibération du jury des épreuves classantes nationales ; / b) La deuxième fois l'année universitaire suivante, dans les seuls cas et conditions précisées ci-après : / 1° L'interne qui a obtenu une première affectation et désire bénéficier d'un deuxième choix (...) / 2° Le candidat qui s'est présenté aux épreuves classantes nationales peut demander, à titre dérogatoire et exceptionnel et pour des motifs sérieux dûment justifiés, à renoncer à la procédure nationale de choix prévue à l'article R. 632-10 (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de la rédaction de la décision du 13 mai 2016 que le directeur du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a entendu confirmer le motif de rejet précédemment opposé à la demande d'inscription aux épreuves nationales classantes présentée par Mme F... épouseA..., tiré de ce que celle-ci ne disposait pas d'une formation médicale de base accomplie dans les conditions prévues par l'article 24 de la directive du 7 septembre 2005 ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point 3 que ce motif était fondé ; que, par ailleurs, Mme F... épouse A...ayant achevé ses études médicales de base au 5 février 2015, elle ne pouvait en tout état de cause être regardée, à la date de la décision du 13 mai 2016, comme se trouvant dans l'année au cours de laquelle elle avait achevé cette formation ; qu'elle ne se trouvait pas davantage dans la situation prévue au b de l'article R. 632-10 du code de l'éducation ; que le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 632-10 du code de l'éducation pour annuler la décision du 13 mai 2016 ;
6. Considérant que lorsque le juge d'appel, saisi par le défendeur de première instance, censure le motif retenu par les premiers juges, il lui appartient, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par l'intimé en première instance, alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant lui, à la seule exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 4131-1 du code de la santé publique : " Les titres de formation exigés en application du 1° de l'article L. 4111-1 sont pour l'exercice de la profession de médecin : / 1° Soit le diplôme français d'Etat de docteur en médecine ; (...) 2° Soit, si l'intéressé est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen : (...) b) Les titres de formation de médecin délivrés par un Etat, membre ou partie, conformément aux obligations communautaires, ne figurant pas sur la liste mentionnée au a, s'ils sont accompagnés d'une attestation de cet Etat certifiant qu'ils sanctionnent une formation conforme à ces obligations et qu'ils sont assimilés, par lui, aux titres de formation figurant sur cette liste (...) " ;
8. Considérant que Mme F... épouse A...n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions qui, outre qu'elles ne régissent que l'accès à l'exercice de la profession de médecin et non l'accès au troisième cycle d'études médicales, ne bénéficient qu'aux ressortissants communautaires titulaires d'un titre de formation de médecin délivré par un Etat, membre de l'Union ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, condition qu'elle ne remplit pas ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. (...) / La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice (...) dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants (...) " ; qu'aux termes de l'article 53 du traité : " 1. Afin de faciliter l'accès aux activités non salariées et leur exercice, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent des directives visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres, ainsi qu'à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant l'accès aux activités non salariées et à l'exercice de celles-ci. / 2. En ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, la suppression progressive des restrictions est subordonnée à la coordination de leurs conditions d'exercice dans les différents États membres " ;
10. Considérant que Mme F... est de nationalité française ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à invoquer les stipulations précitées du traité, qui ne régissent que le droit à l'établissement et l'accès à l'emploi salarié des ressortissants communautaires dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité ; que, par suite, Mme F... épouse A...n'est pas fondée à soutenir que les conditions posées à son inscription aux épreuves nationales classantes seraient contraires aux stipulations précitées du Traité ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé les décisions des 10 novembre 2015, 10 mars 2016 et 13 mai 2016 par lesquelles son directeur a refusé l'inscription de Mme F... épouse A...aux épreuves nationales classantes ; qu'il en résulte qu'il est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier et le rejet des demandes de première instance de Mme F... épouseA... ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme F... épouse A...étant infondées, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par Mme F... épouse A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1601894-1602692 du tribunal administratif de Montpellier du 28 février 2017 sont annulés.
Article 2 : Les requêtes n° 1601894 et n° 1602692 présentées par Mme F... épouse A...devant le tribunal administratif de Montpellier sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme F... épouse A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et à Mme F... épouseA....
Délibéré après l'audience du 16 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,
- M. E... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mai 2018.
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N° 17MA01584