Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2017, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2016 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ; à titre subsidiaire, d'ordonner au préfet de réexaminer sa demande au titre de l'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique à verser à Me B... sous réserve qu'il renoncer à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas examiné sa situation, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge qui a commis une erreur d'appréciation à cet égard ;
- l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif de Nice du 18 août 2016 a été méconnue ;
- le prétendu entretien du 15 mars 2016 ne peut être tenu pour répondre aux conditions prévues par le règlement 604/2013 du 26 juin 2013 et notamment son article 5 ;
- le jugement a commis une erreur de droit en reversant la charge de la preuve.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l'UE du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 1985 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Sauveplane.
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 mai 2016, le préfet a notifié à Mme C... un premier arrêté de remise aux autorités italiennes. Par jugement n° 1603383 du 18 août 2016, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté préfectoral en jugeant que la décision était intervenue aux termes d'une procédure irrégulière, l'entretien personnel tel que prévu par règlement CE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 n'ayant pas été organisé par l'administration. Par décision du 20 septembre 2016, le préfet des Alpes-Maritimes a notifié à Mme C... un nouvel arrêté de remise d'un demandeur d'asile aux autorités italiennes.
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l'UE du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) no 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ".
3. Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
4. Il résulte des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement et eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par ces dispositions constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
5. En l'espèce, l'entretien prévu à l'article 5 du règlement CE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, a eu lieu en présence d'un interprète le 15 mars 2016. Toutefois, ni le résumé de l'entretien ni la fiche de traduction ne font état au cours de l'entretien de la remise à l'étranger du guide du demandeur d'asile et de l'information sur les règlements communautaires prévus à l'article 4 du même règlement. Il doit donc être déduit de l'absence de ces mentions que les documents prévus au 1er paragraphe de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 n'ont pas été remis à l'étranger et que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2016.
6. Le présent arrêt, qui prononce l'annulation d'un arrêté de remise aux autorités italiennes de la requérante pour un motif tiré d'une irrégularité de procédure est sans incidence sur son droit au séjour provisoire et n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'appelante tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande de titre de séjour au regard de l'asile ne peuvent qu'être rejetées ;
7. En application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à Me B... sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 20 septembre 2016 du préfet des Alpes-Maritimes et le jugement n° 1604683 du 2 décembre 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice sont annulés.
Article 2 : La somme de 1 000 euros est mise à la charge de l'Etat en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, et sera versée à Me B... sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à Me B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, président par intérim de la formation de jugement,
- M. Haïli, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 17MA01781