Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2017 sous le n° 17MA03084, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 avril 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil qui s'engage alors à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant son éloignement alors qu'il souffre d'une maladie génétique ;
- il est apatride et une mesure d'éloignement ne peut être décidée à son encontre que si elle est accompagnée du délai raisonnable de départ prévu au 3 de l'article 31 de la convention du 28 septembre 1954 sur le statut des apatrides ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- il ne représente qu'un danger relatif pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de M. B... n'est fondé.
II - Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017 sous le n° 17MA03389, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 3 avril 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'une semaine à compter de la notification de la décision à intervenir et de réexaminer sa situation au regard de sa demande d'asile ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros à verser à son conseil qui s'engage alors à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens énoncés dans sa requête en annulation présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 19 juin 2017 et du 18 septembre 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention de New York relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à 1'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.
1. Considérant que les requêtes n° 17MA03084 et n° 17MA03389 présentées pour M. B..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;
2. Considérant que M. B... demande à la Cour, par sa requête enregistrée sous le n° 17MA03084, d'annuler le jugement du 3 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2017 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire national sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour du territoire français pour une durée d'un an, à compter de la notification de sa décision ; qu'il demande le sursis à exécution du même jugement par sa requête enregistrée sous le n° 17MA03389 ;
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne le statut d'apatride dont se prévaut M.B... :
3. Considérant que M. B..., qui est né le 10 octobre 1981 à Leskovac dans l'actuelle Serbie, se dit apatride ; qu'il ne produit à l'appui de cette affirmation qu'un document daté du 24 janvier 2005, émanant de la commune de Leskovac, selon lequel il n'est pas inscrit sur les registres des citoyens de la commune ; que cette pièce, émanant d'une autorité locale et attestant d'une simple absence d'inscription sur une liste communale, se révèle, toutefois, insuffisante pour établir l'apatridie dont il se prévaut alors qu'entré en France une première fois depuis 2005 selon ses dires puis de nouveau en 2012, il n'a pas été en mesure de faire reconnaître le statut d'apatride dont il se prévaut par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ou par les autorités belges compétentes auprès desquelles il soutient avoir effectué une telle démarche ; que, dès lors, le préfet de l'Hérault a pu à bon droit retenir que le requérant possédait la nationalité de son pays d'origine et de naissance, la Serbie ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 4 janvier 2017 du préfet de l'Hérault :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;
5. Considérant que M. B... n'établit aucunement ni même n'allègue avoir demandé un titre de séjour pour raisons de santé, ou avoir informé le préfet de l'Hérault qu'il souffrirait d'une maladie génétique ; que le certificat médical versé au dossier n'établit ni l'existence d'une pathologie d'une particulière gravité ni que les soins dispensés à M. B... ne pourraient l'être ailleurs qu'en France ; qu'il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que M. B..., qui déclare résider habituellement en France depuis octobre 2012 avec sa compagne et ses six enfants scolarisés sur le territoire national, n'apporte, toutefois, aucun élément permettant d'établir l'ancienneté de sa présence en France ou la scolarisation de ses enfants ; que sa compagne, qui a fait l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français en vertu d'un arrêté du préfet de Vaucluse du 4 mars 2013, si elle résidait sur le territoire, se trouverait également en situation irrégulière ; que l'intéressé n'établit pas ne plus posséder d'attaches familiales en Serbie ; qu'il est sans projet professionnel ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier et de l'interrogatoire de M. B... auquel ont procédé les services de la police aux frontières le 28 décembre 2016 que l'intéressé a déclaré souhaiter " partir (...) en Belgique " par ses propres moyens " où résident ses parents " légalement depuis 2003 " et où il a vécu précédemment ; qu'il s'ensuit que le préfet de l'Hérault, en prenant à l'encontre de M. B... l'arrêté attaqué, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive et disproportionnée au but en vue duquel cette mesure a été décidée et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces que M. B... a été condamné à des peines d'emprisonnement le 17 février 2006, le 5 novembre 2009, le 15 juin 2010, le 13 décembre 2013, le 15 juin et le 24 août 2015 par les tribunaux correctionnels de Vienne, de Créteil, d'Aix-en-Provence, d'Avignon et de Montpellier pour divers faits de menaces de mort et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, vol aggravé, conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, vols par ruse et effraction et participation à une association de malfaiteurs ; qu'au vu de ce comportement, le préfet a pu légalement, sur le fondement des dispositions du 1°) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décider de ne pas accorder un délai de départ volontaire à M. B... pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ; que, ne pouvant se voir reconnaître le statut d'apatride comme il a été dit au point 3, M. B... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de la convention de New York relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954 ;
10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la requête tendant au sursis à exécution :
11. Considérant que le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement du 3 avril 2017 du tribunal administratif de Montpellier, la requête n° 17MA03389 tendant au sursis à exécution de ce jugement est devenue sans objet ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
12. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que les dispositions de ces articles font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par M. B... dans la requête n° 17MA03389.
Article 2 : La requête enregistrée sous le n° 17MA03084 de M. B..., ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2018 où siégeaient :
- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement par intérim,
- M. Haïli, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
6
N° 17MA03084, 17MA03389