Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, sous le n° 17MA03386, le préfet de l'Aude demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 juin 2017 ;
2°) de rejeter les demandes de M. C... et autres.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation quant à l'absence d'atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique au sens des dispositions de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 ;
- le raccordement électrique effectué irrégulièrement présentait un danger pour la sécurité ;
- l'installation illicite a perturbé le fonctionnement normal du parc des sports de Narbonne ;
- l'arrêté contesté a été pris par une personne compétente ;
- l'exception d'illégalité de l'arrêté du 8 juin 2013 n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2018, M. C... et autres, représentés par Me B..., concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de l'Aude ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Aude relève appel du jugement du 30 juin 2017 du tribunal administratif de Montpellier qui a annulé son arrêté du 26 juin 2017 portant mise en demeure de quitter, dans un délai de 24 heures, le terrain cadastré section AO n° 432 et 441 appartenant à la commune de Narbonne.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 : " I. - Dès lors qu'une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, son maire (...) peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er. Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil, ainsi qu'à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire ou qui appartiennent à un groupement de communes qui s'est doté de compétences pour la mise en oeuvre du schéma départemental. (...) / II. - En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. (...) ".
3. La commune de Narbonne, qui compte plus de 5 000 habitants, est couverte par un schéma départemental d'accueil des gens du voyage approuvé le 14 janvier 2011 et a transféré sa compétence relative à la réalisation d'aires d'accueil des gens du voyage à la communauté d'agglomération du Grand Narbonne. Par un arrêté du 8 juin 2013, le maire de Narbonne a interdit sur son territoire le stationnement des véhicules des gens du voyage en dehors des terrains aménagés à cet effet par la communauté d'agglomération, comprenant une aire de grand passage sur la commune de la Palme. Le 25 juin 2017, un groupe appartenant à la communauté des gens du voyage constitué d'une centaine de caravanes s'est installé, sans autorisation, sur un terrain de sport, appartenant à la commune de Narbonne. Suite à la demande du maire du 26 juin 2017, le préfet de l'Aude a, par l'arrêté contesté, mis en demeure les occupants de quitter les lieux, dans un délai de 24 heures, dont le non respect pourrait entraîner l'établissement d'un procès-verbal par la police nationale, exposerait les contrevenants à une amende de 3 750 euros et la mise en oeuvre de l'évacuation forcée.
4. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que le groupe de gens du voyage s'est raccordé illicitement au réseau électrique. Sur ce point, le préfet de l'Aude produit pour la première fois devant la Cour des rapports de la société ENEDIS établissant que le raccordement au coffret de type " fausse coupure " du réseau de distribution publique et le câble posé à même le sol, sans protection mécanique pour les tiers, généraient un risque important d'échauffement pouvant aller jusqu'à l'incendie, une intensité de plus de 100 ampères ayant été relevée à leur endroit. Cette société a également constaté que ce câble passait dans un parking privé avant de rejoindre le stade et, fait aggravant, était accroché à une clôture métallique, entraînant ainsi un risque d'électrisation en cas de contact. Ainsi, le préfet de l'Aude a pu légalement, pour ce seul motif, prendre l'arrêté contesté du 26 juin 2017. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, le premier juge a estimé que le stationnement des caravanes sur le terrain appartenant à la commune de Narbonne ne pouvait être regardé comme étant de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou à la tranquillité publiques.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... et autres devant le tribunal administratif de Montpellier et devant la Cour.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du 8 juin 2013 :
6. Aux termes de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales : " I. - A. (...) / Par dérogation à l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière de réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, les maires des communes membres de celui-ci transfèrent au président de cet établissement leurs attributions dans ce domaine de compétences. (...) Sans préjudice de l'article L. 2212-2 et par dérogation aux articles L. 2213-1 à L. 2213-6-1, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière de voirie, les maires des communes membres transfèrent au président de cet établissement leurs prérogatives en matière de police de la circulation et du stationnement. (...) III. - Dans un délai de six mois suivant la date de l'élection du président de l'établissement public de coopération intercommunale (...) ou suivant la date à laquelle les compétences mentionnées au A du I ont été transférées à l'établissement (...), un ou plusieurs maires peuvent s'opposer, dans chacun de ces domaines, au transfert des pouvoirs de police. A cette fin, ils notifient leur opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale (...). Il est alors mis fin au transfert pour les communes dont les maires ont notifié leur opposition. / Si un ou plusieurs maires des communes concernées se sont opposés au transfert de leurs pouvoirs de police, le président de l'établissement public de coopération intercommunale (...) peut renoncer, dans chacun des domaines mentionnés au A du I, à ce que les pouvoirs de police spéciale des maires des communes membres lui soient transférés de plein droit. Il notifie sa renonciation à chacun des maires des communes membres dans un délai de six mois à compter de la réception de la première notification d'opposition. Dans ce cas, le transfert des pouvoirs de police prend fin à compter de cette notification.".
7. Il ressort des pièces du dossier que par arrêté préfectoral du 3 juin 2013, les compétences de la commune de Narbonne en matière d'aire de stationnement des gens du voyage ont été transférées de plein droit à la communauté d'agglomération de la Narbonnaise dont la collectivité communale est membre. Par arrêté du 8 juin 2013, le maire de la commune de Narbonne a décidé d'interdire le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage sur son territoire, en dehors des aires de stationnement réservées à cet effet sur le territoire du grand Narbonne, et plus précisément sur le territoire de la commune de la Palme. Toutefois, ce n'est que par arrêté du 10 juin 2014 que le maire de la commune de Narbonne s'est opposé au transfert de ses pouvoirs de police spéciale en matière de réglementation du stationnement des résidences mobiles des gens du voyage. Suite à la notification de cette opposition, le président de la communauté d'agglomération du Grand Narbonne a décidé, par arrêté du 27 juin 2014, de renoncer aux transferts des pouvoirs de police administrative spéciale des maires. Il s'en suit que le maire de la commune de Narbonne était incompétent pour prendre l'arrêté du 8 juin 2013 dès lors qu'à cette date, ses pouvoirs de police spéciale en la matière relevaient de la compétence du président de la communauté d'agglomération du Grand Narbonne. Cet arrêté étant ainsi illégal, il ne pouvait fonder légalement la mise en demeure édictée pour son application par le préfet de l'Aude, le 26 juin 2017, à l'égard des occupants sans titre du terrain de la commune de Narbonne. Par suite, M. C... et autres sont fondés à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité entachant l'arrêté municipal du 8 juin 2013 à l'encontre de la mise en demeure en litige.
8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens des demandeurs de première instance, que le préfet de l'Aude n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral du 26 juin 2017.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que demandent M. C... et autres au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de l'Aude est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. C..., M. E... et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de l'Aude, à M. F... C..., à M. D... E...et à Mme A...C....
Copie en sera adressée à la commune de Narbonne.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 17MA03386