Par un jugement n° 1701466, 1701467 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Nice a, après avoir ordonné une jonction, rejeté les demandes de Mme D... épouse C...et de M. C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2017, Mme A... D...épouse C...et M. B... C..., représentés par Me E..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2017 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté, chacun en ce qui les concerne, leur demande tendant à l'annulation des arrêtés en date du 4 avril 2017 par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de les admettre au séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 4 avril 2017 les concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à chaque appelant, le titre de séjour sollicité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions litigieuses sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles portent atteinte à l'intérêt supérieur de leur enfant en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
M. et Mme C... ont été admis chacun au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 30 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par jugement du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. et Mme C..., de nationalité philippine, tendant à l'annulation des arrêtés en date du 4 avril 2017 les concernant pris par le préfet des Alpes-Maritimes ; que les époux C...relèvent appel du jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
2. Considérant que M. et Mme C... sont entrés sur le territoire français respectivement les 17 février 2009 et 23 mars 2010, chacun muni d'un visa Schengen C, dit de courte durée ; qu'ils établissent avoir résidé habituellement en France depuis leurs dates d'entrée respectives par divers justificatifs en particulier fiscaux et contractuels, notamment les contrats de bail souscrits à leurs deux noms et les quittances de loyers ; qu'il ressort des pièces du dossier que depuis leurs entrées sur le territoire national, M. et Mme C..., qui ont déclaré une activité de chauffeur et de femme de ménage, alimentent régulièrement leur compte bancaire ; que M. C... justifie également d'une promesse d'embauche en qualité d'employé de maison ; qu'il résulte, par ailleurs, des pièces du dossier que si les parents de M. C... résident aux Philippines, trois de ses soeurs résident régulièrement en France alors que la quatrième est citoyenne espagnole ; qu'en ce qui concerne la famille de Mme C..., ses parents résident régulièrement en France sous couvert d'un titre long séjour valable jusqu'en 2026 et trois de ses frères sont régulièrement établis en France ; que les requérants se sont mariés le 4 juillet 2015 à Nice ; que de leur union est née une fille le 16 octobre 2015 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. et Mme C... établissent que le centre de leur vie privée et familiale se situe désormais en France ; qu'ainsi, eu égard à la durée et au caractère continu de la présence des requérants sur le territoire français, le préfet des Alpes-Maritimes a, dans les circonstances très particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur leur situation personnelle en refusant de leur délivrer un titre de séjour et en leur faisant obligation de quitter le territoire français ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de leur requête, que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes en date du 4 avril 2017 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
4. Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui annule les décisions de refus de titre de séjour assorties d'obligations de quitter le territoire français du 4 avril 2017, implique nécessairement la délivrance, d'une part, à Mme D... épouse C...et, d'autre part, à M. C..., d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à chaque intéressé un tel titre de séjour dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) " ;
6. Considérant que l'avocat des requérants, Me E..., demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés et non compris dans les dépens qu'elle aurait réclamée à ses clients si ces derniers n'avaient bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 2 000 euros à verser à Me E..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat aux missions d'aide juridictionnelle qui lui ont été confiées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 juin 2017 et les arrêtés en date du 4 avril 2017 par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'admettre, d'une part, Mme D... épouse C...et, d'autre part, M. C... au séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer, d'une part, à Mme D... épouse C...et, d'autre part, à M. C..., une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera une somme globale de 2 000 euros à Me E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat aux missions d'aide juridictionnelle qui lui ont été confiées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...épouseC..., à M. B... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me E....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 17MA03470