Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre 2017 et 26 janvier 2018, sous le n° 17MA03881, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 août 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux des 30 juillet 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me A... qui s'engage, dans ce cas, à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal a procédé d'office à une substitution de motif, en l'absence de demande en ce sens de l'administration ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les premiers juges ont commis une erreur de fait ;
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- il présente des garanties de représentation suffisantes ;
- elle est entachée d'une contradiction des motifs ;
Sur la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant d'accorder un délai de départ volontaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 6 juillet 1982, de nationalité comorienne, relève appel du jugement du 4 août 2017 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de deux arrêtés du 30 juillet 2017 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et, d'autre part, assigné à résidence pour une durée de trente jours.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) ".
3. Si l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision, il n'appartient pas au juge, en l'absence d'une demande en ce sens de l'administration, de procéder d'office à une substitution de motifs, qui n'est pas d'ordre public.
4. Pour prendre la décision refusant d'accorder au requérant un délai de départ volontaire, le préfet des Bouches-du-Rhône a considéré que " M. B... qui déclare être entré en France en juillet 2015 et qui n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, ne justifiant pas d'un lieu de résidence effectif étant précisé qu'il n'a pas pu précisément donner l'adresse à laquelle il serait hébergé depuis au moins un an ". Cette décision mentionnait également que " M. B... C..., non titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ". Le préfet a ainsi fondé cette décision sur les dispositions précitées du a) et du f) de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors et contrairement à ce que soutient M. B..., le premier juge n'a pas opéré d'office une substitution de motif en estimant que le préfet des Bouches-du-Rhône pouvait refuser de lui octroyer un délai de départ volontaire sur le fondement du seul motif tiré de l'absence de justification de l'entrée régulière et de demande de titre de séjour. Il s'en suit que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Il ressort de la décision contestée que le préfet des Bouches-du-Rhône a relevé que M. B... ne justifiait pas de la réalité et de l'ancienneté de sa relation avec une ressortissante française avec laquelle il est pacsé notamment parce qu'il n'a pu donner précisément l'adresse du domicile du couple. Il a également estimé que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale de l'intéressé, qui est célibataire, sans enfant et ne justifie pas être dépourvu d'attaches personnelles ou familiales dans son pays d'origine, étant précisé qu'il n'a pas formulé d'observations particulières quant à un retour dans son pays d'origine. Ainsi, il a suffisamment examiné la situation familiale et personnelle du requérant alors même qu'il n'aurait pas fait mention de ses liens personnels ou de ses relations sociales et amicales lesquels ne sont au demeurant pas établis par les pièces du dossier. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen de la situation du requérant et de l'incompétence négative commise par le préfet des Bouches-du-Rhône doivent être écartés.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement en France au mois de juillet 2015, selon ses déclarations. S'il se prévaut de sa relation avec une ressortissante française depuis cette date avec qui il a conclu un pacs le 25 avril 2017, leur communauté de vie qui est établie au plus tôt à compter du mois de mai 2017 par la production d'un avenant à un bail d'habitation et une quittance de loyer produits en appel, est brève à la date de la décision contestée. Par ailleurs, M. B... ne démontre aucune insertion socio-professionnelle ni être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident ses parents. Dans ces conditions et alors même que sa soeur résiderait régulièrement en France, le premier juge a estimé à juste titre que la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision querellée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
8. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le premier juge a estimé à juste titre que le préfet des Bouches-du-Rhône pouvait, pour ce seul motif, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire en application des dispositions du a) de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que la décision d'assignation à résidence mentionne que M. B... présente des garanties de représentation est, dès lors, sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Le moyen tiré de la contradiction des motifs doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
9. Pour les motifs indiqués aux points 5 à 8, M. B... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur l'irrecevabilité soulevée par le préfet des Bouches-du-Rhône, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 30 juillet 2017.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 17MA03881