Par un jugement n° 1702781 du 16 juin 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2017, Mme C...B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 16 juin 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 juin 2017 portant remise aux autorités allemandes et assignation à résidence ;
4°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales, de le placer dans le cadre de la procédure normale de demande d'asile et dans l'attente de lui remettre une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le magistrat a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation s'agissant du défaut d'examen de sa situation ;
- le magistrat désigné a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation au regard des modalités de pointage et de son état de santé ;
S'agissant de la décision portant transfert aux autorités allemandes :
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le préfet n'a pas examiné la possibilité d'une admission au séjour sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ;
- il s'est cru en situation de compétence liée au regard de la décision des autorités allemandes d'accepter son transfert ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté dont il disposait, sur le fondement de l'article 17 du règlement n° 604/2013/CE, de l'article 53-1 de la Constitution, et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'examiner la demande de protection internationale alors même qu'elle n'incomberait pas à la France en application des critères du même règlement, et alors que sa présence est indispensable aux côtés de son époux ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale, dès lors qu'elle se fonde sur une décision de transfert elle-même illégale ;
- le périmètre fixé est insuffisant pour faire face à une éventuelle urgence médicale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au non-lieu à statuer.
Il fait valoir que M. et Mme B... ont exécuté la mesure portant transfert à destination de l'Allemagne.
Mme B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par jugement du 16 juin 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B..., de nationalité ukrainienne, née le 10 mai 1954, tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2017, par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé sa remise aux autorités allemandes et l'a assignée à résidence ; que Mme B... relève appel de ce jugement ;
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant que Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 18 septembre 2017 ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'elle soit admise à l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions de non-lieu à statuer :
3. Considérant que la circonstance que Mme B... ait fait l'objet effectivement d'une réadmission en Allemagne, le 28 novembre 2017, soit postérieurement à l'enregistrement de la présente requête, ne saurait avoir pour effet de rendre sans objet ses conclusions tendant à l'annulation de ladite mesure, laquelle a produit des effets et a fait grief à l'intéressée ; que la demande de non-lieu à statuer, qui aurait pour conséquence de priver la requérante de tout recours effectif, doit donc être rejetée ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 précité : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable " ; que selon son article 17 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " ; que la mise en oeuvre de l'article 17 par les autorités françaises doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution aux termes duquel : " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. " ; que selon l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. " ; que la faculté laissée à chaque Etat membre, par les dispositions précitées, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile ;
5. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme B..., il ressort de la lecture même de l'arrêté attaqué que le préfet a examiné la possibilité d'une admission dérogatoire à l'asile de l'intéressée ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'un vice de procédure en ne prenant pas en compte la faculté précitée ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'arrêté assignant à résidence l'époux de Mme B... ferait obstacle à une prise en charge adaptée de celui-ci en cas d'urgence médicale le concernant, à la supposer établie, est sans incidence sur la régularité de la décision relative à l'assignation à résidence de la requérante ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le périmètre de l'assignation fixé M. B... serait insuffisant pour faire face à une urgence médicale le concernant ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué, issue de l'article 19 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 est inopérant, dès lors que cette disposition a trait à la demande d'asile par un mineur non accompagné ;
8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que les autres moyens de la requête de Mme B... dirigés contre la décision portant transfert aux autorités allemandes tirés du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, de ce que le préfet des Pyrénées-Orientales se serait estimé lié par la décision d'acceptation de transfert des autorités allemandes, de la violation des article 17 du règlement n° 604/2013, 53-1 de la Constitution et L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à son encontre et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la nécessité alléguée de la présence de Mme B... aux côtés de son conjoint malade doivent être écartés pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges, lesquels n'ont pas commis d'erreur d'appréciation au regard des modalités de pointage et de son état de santé, qu'il y a lieu d'adopter ; qu'il en va de même, de la décision portant assignation à résidence et des moyens présentés contre l'assignation à résidence et tirés de l'exception d'illégalité du transfert et de l'insuffisance du périmètre fixé pour faire face à une éventuelle urgence médicale ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions d'injonction présentées par Mme B... ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article l'article 37 de la loi du10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
11. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
12. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à l'avocat de Mme B..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales
Délibéré après l'audience du 23 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 17MA04226