Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 janvier 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2017 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle soutient que :
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa vie privée et familiale ;
- l'arrêté viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les dispositions des articles L. 313-11 7ème et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle justifie d'un motif exceptionnel de délivrance d'un titre de séjour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme C... Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille, à compter du 1er avril 2018.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 6 septembre 1980, de nationalité philippine, a déclaré être entrée sur le territoire français le 18 décembre 2004. Le 1er décembre 2016, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour avec autorisation de travailler. Par un arrêté du 22 juin 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est institué une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ".
3. Mme A..., entrée en France irrégulièrement le 24 décembre 2004 à Paris, en provenance de Manille, a demandé à bénéficier de la reconnaissance du statut de réfugié, ce qui lui a été refusé par une décision du 28 décembre 2004. Elle s'est ensuite maintenue irrégulièrement sur le territoire français. Au regard des pièces qu'elle verse aux débats pour chacune des années 2005 à 2017, et plus particulièrement des ordonnances médicales, des notes d'honoraires de centre d'imagerie médicale, des correspondances de l'assurance maladie, des quittances de loyer, des échographies et radios, la requérante justifie d'une présence de plus de dix ans sur le territoire national à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, eu égard au nombre, à la diversité, et à la nature des documents produits par l'intéressée, celle-ci doit être regardée comme remplissant la condition de présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans énoncée au second alinéa de l'article L. 313-14 précité, et le préfet aurait dû saisir la commission précitée du titre de séjour. Par suite, le préfet a méconnu les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 juin 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de statuer de nouveau sur la demande de titre de séjour de Mme A... après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 janvier 2018 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 juin 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de statuer de nouveau sur la demande de titre de séjour de Mme A... après avoir recueilli l'avis de la commission du titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2018, où siégeaient :
- Mme C... Steinmetz-Schies, président,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 mai 2018.
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N°18MA00291