Procédure devant la Cour :
I. - Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 17MA04859 le 15 décembre 2017, le 8 février 2018 et le 26 février 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 23 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault d'instruire sa demande d'asile selon la procédure normale dès la notification de l'arrêt à intervenir en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser directement à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'agent ayant mené l'entretien n'était pas qualifié au sens des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle et s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté d'assignation à résidence est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de transfert ;
- cette décision est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... sont infondés.
Par une ordonnance du 25 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2018.
Par une ordonnance du 22 février 2018, l'instruction a été rouverte et la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mars 2018.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2018.
II. - Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 17MA04869 le 15 décembre 2017, le 8 février 2018 et le 26 février 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 30 novembre 2017 ;
2°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêté de transfert et de l'arrêté d'assignation à résidence du 23 novembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser directement à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement et de l'arrêté attaqué aurait des conséquences difficilement réparables sur sa situation personnelle ;
- il existe un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté au regard des mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 17MA04859.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... sont infondés.
Par une ordonnance du 25 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2018.
Par une ordonnance du 22 février 2018, l'instruction a été rouverte et la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mars 2018.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... Grimaud, rapporteur ;
- les observations de Me A..., représentant M. C....
1. Considérant que les requêtes nos 17MA04859 et 17MA04869, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. C..., ressortissant ivoirien né le 5 mai 1982, est entré en France le 9 avril 2017 selon ses déclarations ; qu'il a demandé l'asile le 10 mai 2017 ; que, par un arrêté du 23 novembre 2017, le préfet de l'Hérault a décidé son transfert aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence ; que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) " ;
4. Considérant que le résumé de l'entretien individuel mené le 10 mai 2017 ne comporte ni la fonction, ni l'identité de l'agent qui a établi ce résumé ; qu'aucune autre pièce du dossier ne permet de déterminer par quelle autorité et dans quelles conditions a été mené cet entretien ; que, si le préfet de l'Hérault soutient que l'entretien a été mené par un agent administratif de la préfecture, il ne fait état d'aucun élément de fait de nature à le démontrer ; que, dès lors, le préfet n'établissant pas que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du 5° de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, M. C... est fondé à soutenir que cette décision est entachée de vice de procédure et doit être annulée de même que, par voie de conséquence, l'arrêté d'assignation à résidence édicté à son encontre le même jour ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions à fin d'annulation ; qu'il est dès lors également fondé à demander l'annulation de ce jugement ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article R. 811-17 et de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué ; que, dès lors, les conclusions de M. C... tendant à ce que le sursis à exécution de ce jugement et des arrêtés du 23 novembre 2017 soit ordonné sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 et de l'article L. 521-1 du code de justice administrative sont devenues sans objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant qu'eu égard à ses motifs, le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault d'instruire la demande d'asile du requérant selon la procédure normale ; que par suite, les conclusions présentées par M. C... à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celle-ci de la somme de 1 500 euros ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17MA04869.
Article 2 : Le jugement n° 1705537 du tribunal administratif de Montpellier du 30 novembre 2017 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 23 novembre 2017 décidant le transfert de M. C... aux autorités espagnoles est annulé.
Article 4 : L'arrêté du 23 novembre 2017 plaçant M. C... en rétention est annulé.
Article 5 : L'Etat versera, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me A....
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 17MA04859 est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,
- M. B... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mai 2018.
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N°s 17MA04859, 17MA04869