Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2017, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 16 juin 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 juin 2017 portant remise aux autorités allemandes et assignation à résidence ;
4°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales, de le placer dans le cadre de la procédure normale de demande d'asile et dans l'attente de lui remettre une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le magistrat désigné a méconnu les dispositions de l'article R. 313-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le magistrat désigné a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation au regard des modalités de pointage et de son état de santé ;
S'agissant de la décision portant transfert aux autorités allemandes :
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le préfet n'a pas examiné la possibilité d'une admission au séjour sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ;
- il s'est cru en situation de compétence liée au regard de la décision des autorités allemandes d'accepter son transfert ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté dont il disposait, sur le fondement de l'article 17 du règlement n° 604/2013/CE, de l'article 53-1 de la Constitution, et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'examiner la demande de protection internationale alors même qu'elle n'incomberait pas à la France en application des critères du même règlement ;
- un retour vers l'Allemagne l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale, dès lors qu'elle se fonde sur une décision de transfert elle-même illégale ;
- le périmètre fixé est insuffisant pour faire face à une éventuelle urgence médicale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au non-lieu à statuer.
Il fait valoir que M. et Mme B... ont exécuté la mesure portant transfert à destination de l'Allemagne.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par jugement du 16 juin 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B..., de nationalité ukrainienne, né le 18 juin 1963, tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2017, par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé sa remise aux autorités allemandes et l'a assigné à résidence ; que M. B... relève appel de ce jugement ;
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant que M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 18 septembre 2017 ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions de non-lieu à statuer :
3. Considérant que la circonstance que M. B... ait fait l'objet effectivement d'une réadmission en Allemagne, le 28 novembre 2017, soit postérieurement à l'enregistrement de la présente requête, ne saurait avoir pour effet de rendre sans objet ses conclusions tendant à l'annulation de ladite mesure, laquelle a produit des effets et a fait grief à l'intéressé ; que la demande de non-lieu à statuer, qui aurait pour conséquence de priver le requérant de tout recours effectif, doit donc être rejetée ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 313-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 : " L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplit pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée de son traitement. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un préfet peut rejeter une demande de titre de séjour au motif de l'absence de justification de résidence habituelle en France ; que ces dispositions n'imposent dans cette hypothèse ni la saisine préalable du médecin de l'agence régionale de santé, ni la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ;
5. Considérant, que si l'arrêté litigieux indique que le préfet a examiné d'office les possibilités d'admission au séjour de M. B... sur un fondement autre que le droit d'asile, il est constant que le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour au motif qu'il ne justifiait pas résider habituellement en France ; que dans ces conditions, M. B... n'est fondée ni à soutenir que le magistrat désigné a ajouté à tort une condition non prévue par les textes, celle de la résidence habituelle, ni, en tout état de cause, à se prévaloir d'un quelconque droit au séjour en qualité d'étranger malade ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 précité : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable " ; que selon son article 17 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " ; que la mise en oeuvre de l'article 17 par les autorités françaises doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution aux termes duquel : " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. " ; que selon l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. " ; que la faculté laissée à chaque Etat membre, par les dispositions précitées, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile ;
7. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort de la lecture même de l'arrêté attaqué que le préfet a examiné la possibilité d'une admission dérogatoire à l'asile de M. B... ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'un vice de procédure en ne prenant pas en compte la faculté précitée ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué, issue de l'article 19 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 est inopérant, dès lors que cette disposition a trait à la demande d'asile par un mineur non accompagné ;
9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que les autres moyens de la requête de M. B... dirigés à l'encontre, d'une part, de la décision portant transfert aux autorités allemandes tirés du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, de ce que le préfet des Pyrénées-Orientales se serait estimé lié par la décision d'acceptation de transfert des autorités allemandes et de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de la décision portant assignation à résidence et tirés de son illégalité soulevée par voie de l'exception et de l'insuffisance du périmètre fixé pour faire face à une éventuelle urgence médicale doivent être écartés pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges, lesquels n'ont pas commis d'erreur d'appréciation au regard des modalités de pointage et de son état de santé, qu'il y a lieu d'adopter ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions d'injonction présentées par M. B... ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article l'article 37 de la loi du10 juillet 1991 relative à l'aide juridique:
12. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
13. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à l'avocat de M. B..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au minsitre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales
Délibéré après l'audience du 23 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 17MA04224