Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2018, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 juillet 2017 ;
2°) de rejeter la requête de M. B... ;
Il soutient que M. B..., qui n'a jamais sollicité son admission au séjour au titre d'étranger malade, n'a pas fait valoir ses problèmes de santé dans le cadre de son interpellation ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par jugement du 12 juillet 2017, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a obligé M. A... B..., de nationalité sri-lankaise, né le 1er janvier 1980, à quitter sans délai le territoire français, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a fixé le pays de destination ; que le préfet des Alpes-Maritimes relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'avait pas défendu en première instance, établit en cause d'appel que M. B... n'a fait état de la pathologie dont il souffre et du traitement médical qu'il suivrait en France que dans son recours devant le juge de la liberté et de la détention ; que lors de son unique audition par les services de police, produite aux débats, il n'avait fait état d'aucun problème de santé ; qu'ainsi, dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme ayant disposé d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant que M. B... était susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet des Alpes-Maritimes a pu s'abstenir de saisir le médecin de l'agence régionale de santé sans entacher d'illégalité sa décision ;
3. Considérant qu'il s'ensuit que le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne recueillant pas l'avis d'un médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration, pour annuler la décision du 7 juillet 2017 portant obligation de quitter le territoire français et les décisions subséquentes ;
4. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice ;
En ce qui concerne la légalité des décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixation du pays de destination :
5. Considérant, en premier lieu, que M. B... se prévaut de l'insuffisance de la motivation de la décision en litige portant obligation de quitter sans délai le territoire français ; que toutefois et alors que l'autorité administrative n'est pas tenue de faire état de tous les éléments caractérisant la situation particulière de l'intéressé, l'arrêté préfectoral litigieux comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français " (...) " 10° l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. " ; que si M. B... était porteur à la date de la décision en litige ainsi qu'en attestent les certificats médicaux produits au dossier, d'une hépatite B, laquelle ne fait l'objet d'aucun suivi et d'une hépatite C, laquelle ne faisait l'objet d'aucun traitement actif en cours mais seulement d'un suivi, il ne démontre ni que son état rendait impossible un éloignement à destination du Sri-Lanka, ni que cet éloignement entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français ait méconnu les dispostions précitées ; que pour les mêmes motifs, il n'est pas établi que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que le requérant, qui se borne à se prévaloir de son état de santé, n'établit pas la réalité des risques personnels, réels et actuels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, notamment en ce qui concerne son éventuel traitement médical ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut ainsi qu'être écarté ; que pour les mêmes motifs, la décision fixant le pays de renvoi ne repose pas sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
En ce qui concerne la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français opposée à M. B... n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée par l'intéressé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peut être qu'écartée ;
10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle ne prend pas en compte l'existence de " circonstances humanitaires ", lesquelles ne sont pas établies dès lors que le requérant ne démontre pas qu'il serait en danger en cas de retour au Sri-Lanka à raison de la pathologie médicale dont il souffre ; que ce moyen doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 12 juillet 2017, a prononcé des mesures d'injonctions et mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1702667 du 12 juillet 2017 rendu par le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
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N° 17MA03610