Par un jugement n° 1705991 du 2 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. - Par une requête enregistrée le 11 mai 2018 sous le n° 18MA02153, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de l'inscrire dans la procédure normale de demande d'asile dans un délai de huit jours en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à Me A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est intervenu aux termes d'une procédure irrégulière car les pièces produites par le préfet n'étaient pas présentées conformément aux exigences de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;
- l'auteur de l'acte est incompétent dès lors qu'il n'avait reçu délégation que pour édicter des mesures d'éloignement ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- l'agent ayant mené l'entretien n'est pas compétent au regard des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il appartenait à l'administration de vérifier que l'Italie respecte ses obligations d'accueil des demandeurs d'asile ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'erreur de droit dans l'application des dispositions des articles 7 et 13 du règlement du 26 juin 2013 ;
- les autorités italiennes ne l'ayant pas laissé déposer une demande d'asile, l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 septembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2018.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.
II. - Par une requête enregistrée sous le n° 18MA02717 le 8 juin 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 2 janvier 2018 ;
2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 5 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de l'inscrire dans la procédure normale de demande d'asile dans un délai de huit jours en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à Me A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement et de l'arrêté attaqué aurait des conséquences difficilement réparables sur sa situation personnelle ;
- il existe un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté au regard des mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 18MA02153.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 septembre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.
Par une ordonnance du 4 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1998, est entré irrégulièrement en Italie le 9 mai 2016 et y a demandé l'asile ce même jour. Etant ensuite entré en France le 7 août 2016 selon ses déclarations, il a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de l'Hérault le 29 septembre 2016. Le préfet de l'Hérault l'a transféré aux autorités italiennes le 31 juillet 2017 en vertu d'un arrêté édicté le 22 février 2017. Le 31 juillet 2017, les autorités italiennes ont pris à l'encontre de M. C... une mesure d'obligation de quitter le territoire. M. C... a regagné la France le 9 août 2017 et a déposé une nouvelle demande d'asile le 1er septembre 2017. Le 5 décembre 2017, le préfet de l'Hérault a décidé le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes. La demande présentée contre cette décision a été rejetée par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier le 2 janvier 2018.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle au titre de la requête n° 18MA02717 :
2. Considérant que M. C... a obtenu l'aide juridictionnelle ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, de statuer sur ses conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. L'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 dispose : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
4. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, M. C... a été réadmis en Italie le 31 juillet 2017 en vue de l'examen, par les autorités de ce pays, de sa demande d'asile. Celles-ci ont cependant, le même jour, édicté à son encontre une mesure d'éloignement. Si le préfet de l'Hérault fait valoir que cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours de la part du requérant et n'a pas été exécutée, il n'en demeure pas moins qu'elle était de nature à remettre en cause le bon déroulement de la procédure de demande d'asile dont les autorités italiennes avaient la charge en application des dispositions du règlement du 26 juin 2013 et, dès lors, de porter une atteinte grave au droit de l'intéressé à voir sa demande d'asile examinée. M. C..., revenu en France, a sollicité que lui soit octroyé l'asile selon la procédure prévue à l'article L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fait état de cette mesure d'éloignement, qu'il a produite, accompagnée d'une traduction. Il a également fait part à l'administration de l'impossibilité où il s'est trouvé d'obtenir une aide juridique et de déposer une demande d'asile en Italie, du risque d'emprisonnement dans ce pays découlant de la méconnaissance de la mesure d'éloignement prise à son encontre ainsi que du risque de renvoi vers le Soudan. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément ou pièce produit par le préfet de l'Hérault de nature à établir que l'intéressé serait désormais assuré de l'examen effectif de sa demande d'asile, M. C... est fondé à soutenir qu'il existe un risque sérieux que cette demande ne soit pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. M. C... est dès lors également fondé à soutenir que le préfet de l'Hérault a commis une erreur de droit en s'abstenant de vérifier si sa demande serait examinée par les autorités italiennes et une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2017. Il y donc lieu d'annuler ce jugement ainsi, que par voie de conséquence, l'arrêté du 5 décembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
7. Eu égard au motif pour lequel le présent arrêt annule l'arrêté du 5 décembre 2017, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault d'enregistrer la demande d'asile de M. C... et de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile afférente, dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 521-1 et R. 811-17 du code de justice administrative :
8. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués. Dès lors, les conclusions de M. C... tendant à ce que le sursis à exécution de ce jugement et de l'arrêté du 5 décembre 2017 soit ordonné sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 et de l'article L. 521-1 du code de justice administrative sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
9. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1705991 du 2 janvier 2018 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 décembre 2017 décidant le transfert de M. C... aux autorités italiennes est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault d'enregistrer la demande d'asile de M. C... et de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile afférente, dans un délai de quinze jours de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement et de l'arrêté attaqués et d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentées par M. C....
Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me A... en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. D... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.
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N° 18MA02153-18MA02717