Par un jugement n° 1703568 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 23 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Alpes de lui délivrer un titre de séjour provisoire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il n'apparait pas que le signataire des décisions contesté bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français emporte des conséquences manifestement excessives sur sa vie privée et familiale dès lors que son épouse et ses enfants ont vocation à rester en France ;
- le préfet ne justifie pas avoir motivé la décision lui refusant un délai de départ volontaire au regard de l'absence de circonstances humanitaires ;
- la décision portant interdiction de retour est manifestement excessive.
M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... Steinmetz-Schies, président-rapporteur,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 8 juillet 1972, de nationalité russe, a déclaré être entré sur le territoire français en septembre 2011. Il a sollicité en 2012 son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître le statut de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du 16 septembre 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mars 2014. Ces refus ont été réitérés par les mêmes instances, sur demande de réexamen, le 15 septembre 2014 puis le 21 juillet 2015. Le préfet des Hautes-Alpes a pris à l'encontre de M. A..., le 5 novembre 2015, une première mesure d'éloignement, à l'exécution de laquelle l'intéressé s'est soustrait. Il a de nouveau sollicité le réexamen de sa demande d'asile, démarche qui a été déclarée irrecevable par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 décembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 31 mai 2017. Le 23 novembre 2017, après interpellation par les services de la gendarmerie nationale de Saint-Bonnet, le préfet des Hautes-Alpes pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de retour pour une durée d'un an.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. E... D..., directeur des services du cabinet de la préfecture des Hautes-Alpes, investi à cet effet d'une délégation de signature en date du 15 novembre 2017, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en litige doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté contesté ne comportant aucune décision refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisante motivation d'une telle décision est inopérant.
4. Aux termes, en troisième lieu, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si M. A... fait valoir que son épouse a sollicité le 10 janvier 2018 un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", cela de plein droit ou à titre de régularisation pour motifs exceptionnels, qu'elle a été munie pour cette raison d'un récépissé valant autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 9 juillet 2018 et qu'ils vivent ensemble en France depuis 2011, avec trois enfants, ces éléments, du reste en partie postérieurs à la décision contestée, n'établissent pas que M. A... ne pourrait pas reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet des Hautes-Alpes, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
6. En quatrième lieu, il ressort de l'examen de l'arrêté contesté que le préfet des Hautes-Alpes, après avoir retracé la situation personnelle de M. A..., pris en considération l'ensemble de ses déclarations et des éléments produits, puis constaté l'irrégularité de son séjour et l'absence d'obstacle à ce qu'il quitte le territoire français, a considéré qu'il devait être astreint sans délai à un tel éloignement. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait ainsi refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire sans examiner la situation de l'intéressé, notamment du point de vue humanitaire, ne saurait dès lors être accueilli.
7. Aux termes, en cinquième lieu, de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
8. La décision contestée fait référence à la durée de présence en France de M. A... et à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 5 novembre 2015, mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Le requérant, en se bornant à faire état des considérations déjà mentionnées au point 5, ne justifie pour sa part d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 23 novembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'avocat de M. A... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme F... Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 février 2019.
N°18MA02366 4