Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2018, MmeB..., représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 août 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'admettre son fils au séjour au titre du regroupement familial, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet s'est estimé à tort lié par les dispositions des articles L. 411-1 et R. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas examiné sa demande au regard de l'intérêt supérieur de son fils mineur ;
- la décision méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E...Steinmetz-Schies, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., veuveC..., née le 17 octobre 1971, de nationalité philippine, a obtenu à compter du 17 juillet 2012 un titre de séjour portant la mention " salariée ", renouvelé depuis lors à plusieurs reprises jusqu'au 26 mai 2017. Elle a présenté en février 2016 une demande de regroupement familial au bénéfice de son filsA..., né le 10 octobre 1998, qui a été rejetée par une décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 août 2017. Mme C...relève appel du jugement, en date du 14 mars 2018, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ensemble celle du 3 octobre 2016 rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. La décision contestée vise les textes qui la fondent, retrace la situation administrative de Mme C... et indique les raisons pour lesquelles sa demande de regroupement familial est rejetée. La circonstance qu'elle ne vise pas l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui n'en constitue pas le fondement, ni ne comporte de justifications au regard d'une éventuelle atteinte à l'intérêt supérieur du jeune A... ne saurait la faire regarder comme insuffisamment motivée. Il ne ressort par ailleurs ni de sa motivation ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-8 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; / - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus ".
5. D'une part, il ressort des mentions de la décision en litige que, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par MmeC..., le préfet des Bouches-du-Rhône ne s'est pas estimé lié par le seul motif tiré de l'insuffisance de ses ressources et a procédé à un examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce à la date de sa décision, et notamment en examinant l'atteinte portée par la décision de refus au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. D'autre part, Mme C...fait valoir qu'elle a bénéficié depuis 2016 de huit contrats à durée indéterminée en qualité d'employée de maison, pour un salaire mensuel net de 1 411,58 euros, justifiant ainsi d'un revenu mensuel au moins égal au salaire minimum de croissance. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir qu'elle aurait continument disposé de ressources supérieures au salaire minimum de croissance durant les douze mois précédant le refus de regroupement familial qui lui a été opposé, non plus d'ailleurs que durant les douze mois précédant le rejet de son recours gracieux, en date du 3 octobre 2016. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 411-1 et L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande au motif de l'insuffisance de ses ressources.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des termes mêmes de la requête de Mme C...que son éloignement de son fils résulte de sa propre décision de s'installer en France depuis le 29 juin 2009, alors que cet enfant était âgé de dix ans. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse aurait porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Mme C...fait valoir que son époux, resté aux Philippines avec son filsA..., est décédé en raison d'actes de violence perpétrés par son frère. Son fils A...aurait alors été confié à sa grand-mère paternelle, qui, désormais, en raison d'un état de santé dégradé, ne pourrait plus s'occuper de son petit-fils. Toutefois, la requérante ne démontre pas que son fils, qui approchait de la majorité au moment du dépôt de la demande de regroupement familial, serait isolé dans son pays d'origine, dès lors qu'une partie de sa famille y réside encore. Ainsi, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait l'intérêt supérieur de son enfant et aurait ainsi été prise en violation des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 13 août 2016, ensemble le rejet de son recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme C...de quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...B...veuve C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme E...Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 février 2019.
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N° 18MA02371