Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2015, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mars 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 juin 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une décision dans les quatre mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée ;
4°) de mettre la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges se sont mépris sur la portée des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ils ont commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et viole les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Héry.
1. Considérant que MmeD..., ressortissante tunisienne née en 1979, entrée en France selon ses déclarations en février 2004, a sollicité le 16 juin 2014 la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ; qu'elle relève appel du jugement du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit:/ (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
3. Considérant que l'étranger qui sollicite un titre de séjour sur le fondement des dispositions susmentionnées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile invoque nécessairement la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France ; que, par suite, en se prononçant sur la réalité et la stabilité des liens personnels et familiaux effectifs en France de Mme D...au regard de ceux qu'elle a conservés dans son pays d'origine, les premiers juges ne se sont pas mépris sur la portée des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant, d'une part, que Mme D...soutient être entrée en France en février 2004 à l'âge de 25 ans et s'être depuis maintenue sur le territoire français ; qu'elle ne produit pour justifier de sa présence de février 2004 à avril 2008 que des éléments épars, constitués pour l'essentiel de factures non probantes et de quelques documents à caractère médical rédigés en octobre 2004, février, mai et juin 2005, octobre 2006, juillet et décembre 2007, trop éloignés les uns des autres pour justifier de sa présence habituelle sur cette période ; que si elle peut être regardée comme justifiant de sa présence habituelle de mai 2008 à novembre 2010, période pendant laquelle elle était locataire d'un appartement et produit des quittances de loyer, elle ne joint ensuite aucun élément probant pour justifier de sa présence habituelle de décembre 2010 à mai 2013 ; qu'en effet, elle n'a déclaré ses impôts sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 qu'en 2014, elle ne produit aucun élément pour l'année 2011, la facture d'achat d'un téléphone portable en juillet 2012, au demeurant non probante, et l'examen médical effectué en novembre de la même année n'attestant, au mieux, que de sa présence ponctuelle ; que Mme D...justifie ensuite de sa présence habituelle sur le territoire français depuis juin 2013, par de nombreux éléments d'ordre médical ; qu'elle ne peut ainsi se prévaloir que d'une présence habituelle en France depuis cette date, soit un an à la date de la décision de refus de séjour ;
5. Considérant, d'autre part, que MmeD..., qui avait déclaré lors du dépôt de sa demande de titre de séjour être célibataire, se prévaut d'une relation maritale depuis 2004 avec M. B..., qui serait de nationalité française ; que, toutefois, la seule attestation produite postérieurement à la décision de refus de séjour le 17 octobre 2014 par M. B...ne permet de justifier ni de l'intensité ni de l'ancienneté de cette relation ; que les parents et la fratrie de Mme D... résident en Tunisie ; que l'intéressée ne se prévaut d'aucun autre lien personnel ou familial en France ; que, dans ses conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en prenant l'arrêté attaqué, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant que, pour les motifs exposés aux points 4 et 5, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de MmeD... ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeD..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que par suite, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 février 2016
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N° 15MA01753