Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard avec liquidation de l'astreinte et fixation d'une nouvelle astreinte au terme d'un délai de trois mois, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a fait une inexacte application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant, en méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entré pour la première fois en France en 2006 selon ses déclarations, M. A..., né le 9 avril 1978 et de nationalité tunisienne, a sollicité, le 4 septembre 2017, un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 24 avril 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et prescrit l'éloignement de l'intéressé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
3. Si M. A... indique être entré en France en 2006, il n'établit pas résider de manière continue en France depuis cette époque, alors que le préfet des Bouches-du-Rhône, qui conteste la stabilité de son installation en France, fait valoir que le requérant a été obligé de quitter le territoire français par un arrêté du préfet de la Loire le 16 août 2011. Il est certes constant que M. A... est revenu en France le 15 avril 2012 et il peut être regardé, au vu des pièces qu'il apporte aux débats, comme ayant continûment séjourné sur le territoire national depuis cette date. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait particulièrement inséré dans la société française et, notamment, qu'il travaillerait. Par ailleurs, s'il est le père d'une enfant de nationalité comorienne née le 13 août 2011 dont la mère est en situation régulière et s'il a contribué à son entretien de manière habituelle au moins de septembre 2013 à octobre 2017 au moyen de virements bancaires, il avait, à la date de l'arrêté attaqué, cessé de pourvoir aux besoins de cet enfant depuis plusieurs mois. En outre, bien que M. A... affirme avoir rendu visite à sa fille à de nombreuses reprises depuis 2014, il n'établit s'être rendu auprès d'elle qu'à deux reprises entre le mois de juillet 2016 et la date de l'arrêté contesté, de telle sorte qu'il n'établit pas son implication dans son éducation, les cinq clichés photographiques et l'attestation de la mère de l'enfant qu'il produit ne pouvant suffire, à eux seuls, à en justifier. Enfin, M. A..., qui a fait l'objet de trois décisions portant refus de titre de séjour assorties d'obligations de quitter le territoire français, édictées respectivement les 22 avril 2013, 26 juin 2015 et 9 août 2016, la légalité de la deuxième d'entre elle ayant du reste été confirmée en dernier lieu par la Cour le 30 janvier 2018, et s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire, n'apparaît pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie. Dans ces conditions, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme portant au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Il en résulte que les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 3, il ressort des pièces du dossier que M. A..., s'il n'a pas rompu tous les liens qui l'unissent à sa fille, ne réside plus avec elle depuis l'année 2014 au moins et n'a participé que de manière épisodique à son éducation et à son entretien au cours des deux années qui ont précédé la décision attaquée. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour contesté porterait atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7 Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par M. A... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. C... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2019.
5
N° 18MA05073