Par un jugement n° 1703157 du 2 mai 2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 27 avril 2017 et a enjoint au ministre de l'intérieur de mettre fin au maintien en zone d'attente de M. B... G...et de le munir d'un visa de régularisation.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 2 juin 2017, le ministre de l'intérieur, représenté par la SCP Saidji Moreau, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B... G....
Il soutient que :
- l'entretien effectué par voie téléphonique n'a pas privé M. B... G...d'une garantie procédurale, et aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit le recours à ce mode de communication ;
- le principe de confidentialité n'a pas été violé ;
- la décision contestée n'est pas entachée d'un défaut d'information ;
- elle n'est pas manifestement infondée ;
- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 5 juillet 2017, M. D... B...G..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête, à ce que le ministre mette fin à son maintien en zone d'attente et le munisse d'un visa de régularisation, à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire et à ce qu'une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- maintenu en zone d'attente, il a été auditionné par téléphone, moyen de communication non audiovisuelle, dans un local non agréé par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et n'a ainsi pas pu bénéficier des garanties procédurales prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. B... G...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... G..., ressortissant de la République du Congo né le 23 février 1965, a été interpelé le 27 avril 2017 à l'aéroport de Marseille Provence en situation irrégulière et a demandé le même jour l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, le 27 avril 2017, émis un avis au terme duquel la demande d'asile présentée par M. B... G... est manifestement infondée au sens de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Par une décision du 27 avril 2017, le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire au titre de l'asile.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. M. B... G...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2017. Par suite, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
5. D'une part, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3° la demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. / Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au chapitre III du titre II du livre VII. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile. L'avocat ou le représentant d'une des associations mentionnées au huitième alinéa de l'article L. 723-6, désigné par l'étranger, est autorisé à pénétrer dans la zone d'attente pour l'accompagner à son entretien dans les conditions prévues au même article L. 723-6 (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 723-6 du même code : " L'office convoque le demandeur à un entretien personnel. (...) Chaque demandeur majeur est entendu individuellement, hors de la présence des membres de sa famille (...) Le demandeur se présente à l'entretien et répond personnellement aux questions qui lui sont posées par l'agent de l'office. Il est entendu dans la langue de son choix, sauf s'il existe une autre langue dont il a une connaissance suffisante (...). Le demandeur peut se présenter à l'entretien accompagné soit d'un avocat, soit d'un représentant d'une association de défense des droits de l'homme, d'une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile, d'une association de défense des droits des femmes ou des enfants ou d'une association de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle (...) L'avocat ou le représentant de l'association ne peut intervenir qu'à l'issue de l'entretien pour formuler des observations. / L'absence d'un avocat ou d'un représentant d'une association n'empêche pas l'office de mener un entretien avec le demandeur. / Sans préjudice de l'article L. 723-13, l'absence sans motif légitime du demandeur, dûment convoqué à un entretien, ne fait pas obstacle à ce que l'office statue sur sa demande. / Sans préjudice des nécessités tenant aux besoins d'une action contentieuse, la personne qui accompagne le demandeur à un entretien ne peut en divulguer le contenu. (...) / Un décret en Conseil d'Etat fixe les cas et les conditions dans lesquels l'entretien peut se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle pour des raisons tenant à l'éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur ". Aux termes de l'article R. 723-9 du même code : " L'office peut décider de procéder à l'entretien personnel en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans les cas suivants : / 1° Lorsque le demandeur est dans l'impossibilité de se déplacer, notamment pour des raisons de santé ou des raisons familiales ; / 2° Lorsqu'il est retenu dans un lieu privatif de liberté ; / 3° Lorsqu'il est outre-mer. Les modalités techniques garantissant la confidentialité de la transmission fidèle des propos tenus au cours de l'entretien sont définies par décision du directeur général de l'office. / Le local destiné à recevoir les demandeurs d'asile entendus par un moyen de communication audiovisuelle doit avoir été préalablement agréé par le directeur général de l'office. Cet agrément peut être retiré si les conditions énoncées à l'alinéa précédent ne sont plus remplies. / L'officier de protection chargé de la conduite de l'entretien a la maîtrise des opérations. Il lui appartient de veiller au respect des droits de la personne. Il doit à tout instant pouvoir s'assurer du respect des bonnes conditions d'audition et de visionnage. Il peut mettre fin à l'entretien si ces conditions ne sont pas réunies ou si les circonstances de l'espèce l'exigent. Dans ce cas, l'entretien a lieu en présence de l'intéressé. / L'intéressé entendu par un moyen de communication audiovisuelle doit, si besoin avec l'aide d'un interprète, être informé par l'office avant le commencement de l'entretien du déroulement des opérations, notamment des modalités permettant d'assurer le respect des règles de confidentialité ".
7. Il ressort de ces dispositions que l'entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a lieu en présence du demandeur d'asile, qu'il peut se dérouler en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans certaines hypothèses, notamment celle dans laquelle le demandeur est retenu dans un lieu privatif de liberté et que, en cas de mauvaises conditions d'audition ou de visionnage ou si les circonstances de l'espèce l'exigent, l'entretien a lieu en présence du demandeur d'asile.
8. En l'espèce, M. B... G..., ressortissant congolais, est arrivé à l'aéroport de Marseille le 27 avril 2017 et a aussitôt formé, en zone d'attente, une demande d'asile. L'entretien entre M. B... G...et l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a pu se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle et a été réalisé le jour même par téléphone, dans la zone d'attente. Ainsi, la décision contestée est entachée d'un vice de procédure. Compte tenu de la finalité de cet entretien, par lequel l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, afin de vérifier que la demande n'est pas manifestement infondée, émet un avis sur l'absence manifeste de pertinence de la demande d'asile au regard des conditions d'octroi de l'asile et de crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves, ce vice est de nature à priver les demandeurs d'asile d'une garantie. Par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a jugé que le recours à un entretien téléphonique avait privé M. B... G...d'une garantie.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 27 avril 2017 et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de mettre fin au maintien de M. B... en zone d'attente et de le munir d'un visa de régularisation.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me F..., lequel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. B... G....
Article 2 : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me F..., lequel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Me F... et à M. D... B...G....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. A... C..., premier conseillier.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.
N° 17MA02290 6