Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 septembre 2017, la société Copra Méditerranée, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille, ensemble la décision du 6 janvier 2014 du maire de la commune de Plan-de-Cuques rejetant sa demande préalable d'indemnisation ;
2°) de condamner la commune de Plan-de-Cuques à lui verser une indemnité de 6 895 610,71 euros, augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Plan-de-Cuques une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges auraient dû l'inviter à préciser l'origine de certains préjudices voire ordonner une expertise ;
- le motif d'intérêt général invoqué par la commune ne faisait pas obstacle à l'exécution de la convention ;
- l'opération était illicite dès la conclusion de la convention d'aménagement ;
- la commune a commis une faute en la laissant dans l'incertitude quant à la réalisation des trois dernières tranches de l'opération ;
- la commune a commis des fautes de service de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle : certaines délibérations à l'origine de la création de la zone d'aménagement concerté sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elles prévoyaient l'aménagement des tranches A, B et C ; la commune aurait dû la fixer sur la poursuite ou non du programme dans un délai raisonnable après les études remises en 1997, 2005 et 2010 ;
- elle a droit à l'indemnisation des préjudices causés par l'abandon illégal de la zone d'aménagement concerté ;
- elle a droit à l'indemnisation de la perte de ses bénéfices au titre de la responsabilité sans faute de la commune dès lors que son préjudice présente un caractère anormal et spécial.
Par un courrier en date du 11 septembre 2018, la commune de Plan-de-Cuques a été mise en demeure de produire un mémoire en défense.
Un mémoire enregistré le 8 novembre 2018, présenté pour la société Copra Méditerranée, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...Steinmetz-Schies, président-assesseur ;
- les conclusions de M. A...Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant la société Copra Méditerranée.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 octobre 1991, le conseil municipal de la commune de Plan-de-Cuques a décidé de créer une zone d'aménagement concertée dite " de Sainte-Euphémie " et en a approuvé le 13 février 1995 le plan d'aménagement. Par une délibération du 19 octobre 1995, le conseil municipal confiait la réalisation de cette zone d'aménagement concerté à la société Euphémie, aux droits de laquelle vient désormais la société Copra Méditerranée, qui, selon la convention d'aménagement conclue peu après, devait réaliser 94 logements pour une superficie totale de 44 500 mètres carrés, en quatre tranches successives. La première des quatre tranches, correspondant à la zone D du programme, a été achevée en 2000. L'aménagement des trois autres tranches était différé en raison de risques d'inondation par submersion en cas de rupture des ouvrages du canal de Marseille et, le 12 janvier 2012, la commune a informé la société que les aménagements des zones correspondantes, A, B et C, étaient arrêtés pour un motif d'intérêt général. Le 6 janvier 2014, la commune a rejeté la réclamation indemnitaire préalable de la société Copra Méditerranée.
Sur la régularité du jugement :
2. La société Copra Méditerranée fait valoir que les premiers juges ont méconnu leur office en s'abstenant de prescrire avant-dire droit une expertise ou, à tout le moins, d'ordonner la production de documents afin de lui permettre de préciser l'origine de ses préjudices. Toutefois, le tribunal, loin de retenir le caractère certain de dommages auxquels ferait seulement défaut la justification de leur montant, a estimé que la société requérante n'en démontrait pas même la réalité. Il a ainsi pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, rejeter les conclusions dont il était saisi sans procéder à une mesure d'instruction, ce d'autant que la commune de Plan-de-Cuques, dans ses mémoires en défense, avait expressément opposé l'absence de justificatifs des préjudices invoqués.
Sur la responsabilité contractuelle :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le risque d'inondation par submersion lié à la rupture des berges du canal de Marseille est apparu postérieurement à la création de cette zone d'aménagement concerté, lors de la réalisation d'études hydrauliques réalisées conformément à la loi sur l'eau, afin de constituer un dossier de déclaration. Dans ces circonstances, la société requérante ne peut utilement soutenir que le dossier de création de la zone d'aménagement concerté devait comporter, suivant les termes de l'article R. 311-3 du code de l'urbanisme, un rapport de présentation intégrant une étude d'impact pourvue d'une analyse des effets du projet de zone d'aménagement concerté sur la sécurité et la salubrité publique compte tenu de ce risque.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention d'aménagement conclue entre la commune de Plan-de-Cuques et la société d'aménagement de Sainte-Euphémie en vue de la réalisation de la zone d'aménagement concerté : " L'aménagement et l'équipement de la zone pourront être exécutés en quatre tranches maximum, chacune d'elles comprenant les équipements publics de toute nature nécessaires aux constructions (...) ". Selon l'article 9 de cette même convention : " L'aménageur et la commune devront chaque année, avant le 31 janvier : / a) arrêter ensemble le programme et l'échéancier des travaux (...) / b) décider, le cas échéant, le lancement d'une nouvelle tranche après avoir arrêté le programme et l'échéancier des travaux de cette tranche ; Toutefois le programme et l'échéancier des travaux de la première tranche sont annexés à la présente convention (...) / Le programme et le délai d'exécution des travaux des autres tranches sont donnés à titre indicatif et annexés à la présente convention (...) ". Aux termes, par ailleurs, de son article 14, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 1 approuvé par délibération du conseil municipal du 21 mai 1996 : " (...) La convention pourra être résolue à la demande d'une des deux parties pour ce qui concerne les tranches non encore engagées si, un an après la date fixée pour la fin d'une tranche par le dernier échéancier approuvé en application de l'article 9 ci-dessus, il n'a pas été arrêté un programme et un échéancier pour la tranche suivante. (...) / Toutefois, il est expressément convenu que le retard d'aménagement pour les tranches A - B - C résultant des dispositions techniques à prendre pour pallier le risque ci-dessus exposé, ne sera pas considéré comme un retard imputable à la commune ou à l'aménageur au sens des dispositions qui précèdent. Par ailleurs les travaux résultant de ces tranches décrits dans l'annexe II de la convention initiale ne pourront être engagés qu'une fois le risque évoqué définitivement réglé sur le plan technique, chacun des cotraitants ne pouvant demander à l'autre quoi que ce soit à ce titre ".
5. D'une part, l'étude hydraulique réalisée en 1996 afin de constituer le dossier de déclaration nécessaire à la construction du réseau d'eaux pluviales et des bassins de rétention, ainsi qu'une étude portant sur le bassin versant de l'Amendier et des Rascous, situés sur la commune d'Allauch, ont mis en évidence la potentialité d'un risque d'inondation des communes de Plan-de-Cuques, Marseille et Allauch. En conséquence, la communauté de communes Marseille-Provence-métropole, dont ces trois communes sont membres, a décidé de commander une étude complémentaire visant à affiner l'évaluation de ce risque et à permettre de définir les solutions techniques pouvant y remédier. Compte tenu des incertitudes pesant ainsi sur la poursuite du programme d'aménagement, les parties ont convenu de la nécessité d'en interrompre la réalisation et ont ainsi conclu en 1996 un avenant à la convention initiale afin de suspendre l'exécution des tranches A, B et C de la zone d'aménagement concerté. Postérieurement à cette suspension, la commune a fait réaliser des études complémentaires en 1997, 2005 et 2010, études qui n'ont pas remis en cause les conclusions de celle de 1996. Par suite, la commune de Plan-de-Cuques n'a pas commis de faute contractuelle en différant l'aménagement de la zone considérée.
6. D'autre part, le 12 janvier 2012, la commune a adressé à la société requérante un courrier l'avisant, en réponse à une demande d'information sur l'état d'avancement du dossier, que " l'arrêt de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté repose sur un motif d'intérêt général : le risque d'inondation par submersion lié à la rupture des berges du Canal de Marseille, apparu postérieurement à la création de la zone d'aménagement concerté " et que " le mécanisme d'aménagement mis en place par la convention est de réaliser la zone d'aménagement concerté par tranches, chaque tranche de travaux devant faire l'objet d'un nouvel accord tant sur les aménagements que sur les délais ". En conséquence, la commune de Plan-de-Cuques a informé la société Copra Méditerranée, dès 2012, que l'aménagement des zones A, B et C était reporté pour un motif d'intérêt général. Si cette société soutient qu'elle était en mesure de poursuivre l'opération dès le mois de septembre 2004 et que la commune aurait dû la fixer sur le devenir de la zone d'aménagement concerté quant aux zones A, B et C, les échanges de courriers entre les parties établissent que l'autorité communale n'a pas laissé la requérante dans l'incertitude quant à la réalisation des trois dernières tranches. En conséquence, c'est sans commettre de faute contractuelle que la commune a différé la réalisation de la zone d'aménagement concerté en cause.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Copra Méditerranée n'est pas fondée à engager la responsabilité contractuelle pour faute de la commune de Plan-de-Cuques.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
8. Les principes généraux applicables aux contrats administratifs permettent aux personnes publiques, sans qu'aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucune stipulation contractuelle ne le prévoie, de résilier un contrat pour un motif d'intérêt général, sous réserve de l'indemnisation du préjudice éventuellement subi par le cocontractant.
9. Ni les termes du courrier du 12 janvier 2012 cité au point 6, ni aucune autre pièce du dossier ne font apparaître que la commune de Plan-de-Cuques a résilié la convention d'aménagement. Par suite, la société Copra Méditerranée n'est pas fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Plan-de-Cuques à raison des conséquences dommageables d'une telle résiliation.
Sur la responsabilité délictuelle :
10. En premier lieu, si la société requérante soutient que, malgré l'adoption par le conseil municipal de la commune de Plan-de-Cuques des délibérations des 17 octobre 1991 portant création de la zone d'aménagement concerté, du 27 juin 1994 modifiant son périmètre, du 13 février 1995 approuvant le plan d'aménagement de zone et du 21 mai 1996 prévoyant un différé d'aménagement sur les tranches A, B et C, la commune s'est abstenue de mener à son terme la réalisation de la zone d'aménagement concerté de Sainte-Euphémie, il ne résulte pas de ces délibérations que la commune, qui était tenue, pour un motif d'intérêt général tenant à la préservation de la sécurité publique, de différer la poursuite du programme envisagé, aurait commis une faute, laquelle au surplus, si elle était avérée, ne relèverait pas du champ de la responsabilité quasi-délictuelle. Par ailleurs, ces délibérations ne créaient de droits au bénéfice de l'aménageur que dans les limites de la convention d'aménagement conclue avec la commune. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas en tout état de cause fondée à soutenir que la commune aurait commis à ce titre une faute de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle à son égard.
11. En second lieu, il résulte de l'instruction que la commune de Plan-de-Cuques et la communauté de communes Marseille Provence Métropole ont fait réaliser des études hydrauliques qui ont été remises en 1997, 2005 et 2010 à la société Copra Méditerranée. S'en sont suivis des échanges de courrier et des réunions entre les parties, d'où il ne ressort pas que la commune aurait occulté des informations ou dissimulé ses intentions. Dans ces conditions, informée dès 2012 de la suspension des travaux des tranches A, B et C, la société requérante, qui reproche à la commune de ne pas l'avoir fixée dans un délai raisonnable quant au devenir de l'opération, ne démontre pas la faute qu'elle allègue à ce titre, à supposer, là encore, qu'une telle faute pût être sanctionnée sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle.
12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire avant-dire droit une expertise ni de se prononcer, eu égard à la nature même du litige, sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2014 rejetant la réclamation préalable, que la société Copra Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Plan-de-Cuques, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Copra Méditerranée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu au contraire de mettre à la charge de la société Copra Méditerranée une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Plan-de-Cuques sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Copra Méditerranée est rejetée.
Article 2 : La société Copra Méditerranée versera une somme de deux mille euros à la commune de Plan-de-Cuques en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Copra Méditerranée et à la commune de Plan-de-Cuques.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme D...Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.
N°17MA03902 7