Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision a été prise en violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...sont infondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D...Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., né le 16 septembre 1979 et de nationalité marocaine, est entré en France le 13 octobre 2009 selon ses déclarations. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 3 mai 2017. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 février 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 18 mai 2017, par lequel le Préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel, passé ce délai, il pourrait être renvoyé d'office.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. M. C... soutient être entré sur le territoire français en octobre 2009 et résider auprès de ses parents, atteints tous deux de pathologies qui rendent nécessaire un accompagnement quotidien. Il ressort effectivement des pièces du dossier que la mère du requérant, âgée de soixante-six ans, souffre d'un diabète déséquilibré, d'hypertension artérielle, d'obésité sévère et d'arthrose évoluée des genoux. Le père de M.C..., âgé de soixante-et-onze ans et de nationalité française, souffre quant à lui d'asbestose due à une exposition à l'amiante lors de son activité professionnelle, de complications respiratoires, d'hypertension artérielle, de diabète, de dyspnée, de fatigabilité à l'effort et d'un déficit visuel important consécutif à un accident de travail. Les nombreux certificats médicaux produits font par ailleurs état de la nécessité, pour les parents du requérant, d'être assistés quotidiennement en raison de leurs pathologies invalidantes. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... est le seul membre de la famille se trouvant sur le territoire français, ses deux soeurs résidant au Maroc, et que l'état de santé de ses parents ne leur permet pas de s'entre-aider. Dès lors, la présence du requérant auprès de ses parents doit être regardée comme indispensable, l'obtention d'une aide à domicile, à la supposer possible, n'apparaissant pas suffisante dans les circonstances de l'espèce. Le requérant démontre enfin par la production de témoignages, de certificats et de différents justificatifs, d'une part, sa présence en France depuis plusieurs années et, d'autre part, l'aide effective qu'il apporte à ses parents. Dans ces conditions, M. C...est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Hérault a, dans les circonstances très particulières de l'espèce, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et celle de ses parents.
3. Il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2017 et que le jugement du 6 février 2018 ainsi que cet arrêté doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
5. Il y a lieu, eu égard à la portée du motif d'annulation ci-dessus exposé, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
6. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., conseil de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E:
Article 1er : Le jugement n° 1705200 du tribunal administratif de Montpellier du 6 février 2018 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 mai 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A...C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. D... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.
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N° 18MA02821