Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juillet 2019 et le 10 juillet 2020, Mme K... A..., M. F... C..., Mme L... A..., M. B... I..., M. H... C... et M. M... C..., représentés par Me G..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 mai 2019 ;
2°) à titre principal, d'ordonner la reprise des relations contractuelles avec la commune de Fos-sur-Mer ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Fos-sur-Mer à leur verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Fos-sur-Mer la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils établissent l'existence d'une convention d'emplacement les autorisant à occuper le domaine public et que, dans cette mesure, leur recours est recevable ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé irrecevable leurs conclusions indemnitaires au motif qu'elles n'avaient pas été précédées d'une demande préalable adressée à l'autorité administrative ;
- la commune ne justifie pas d'un motif d'intérêt général pour annuler la convention d'emplacement dont ils bénéficient en l'absence de risques établis pour la sécurité publique et d'atteinte à la salubrité publique ;
- ils ont droit à la réparation intégrale de leur préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat d'occupation soit 10 000 euros par année d'occupation depuis 1987 ;
- aucune faute ne peut leur être reprochée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 20019, la commune de Fos-sur-Mer, représentée par Me J..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable en l'absence de justification de l'existence d'une convention ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... et autres ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me J..., représentant la commune de Fos-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. Un " camp de caravanes " a été aménagé par le Port autonome de Marseille sur des parcelles lui appartenant, cadastrées section Al n° 28, 29, 97 et 110, situées sur son domaine public, aux fins notamment d'héberger avec leurs familles les ouvriers employés sur les chantiers de la zone industrielle et portuaire de Fos-sur-Mer. Par une convention du 4 octobre 1996, le Port autonome de Marseille a mis gratuitement ces parcelles à disposition de la commune de Fos-sur-Mer et lui a confié la gestion du site. M. F... C..., sa compagne Mme K... A..., et leurs enfants, Mme L... A..., M. H... C... et M. M... C..., ainsi que M. B... I..., compagnon de Mme L... A... ont installé trois caravanes et un mobil-home sur cet emplacement. Ils soutiennent y être présents depuis 1987 et être titulaires, depuis 1997, d'une " convention d'emplacement " d'une durée d'un an conclue avec la commune de Fos-sur-Mer et renouvelable par tacite reconduction. Par une décision du 18 octobre 2017, le maire de la commune de Fos-sur-Mer a entendu prononcer la résiliation de cette " convention d'emplacement " au motif qu'il avait été décidé, conformément à un avenant à la convention du 4 octobre 1996 avec le Port autonome de Marseille approuvé le 15 juin 2005, de mettre fin à l'accueil des caravaniers sur ce site situé en grande partie " dans un périmètre Seveso " et dans la zone à risque " B2 " du plan de prévention des risques technologiques de Fos Est alors en cours d'élaboration. Mme K... A... et autres ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de constater l'illégalité de la décision de résiliation de la " convention d'emplacement " et d'ordonner la reprise des relations contractuelles et, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Fos-sur-Mer à leur verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis. Par un jugement du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté comme non fondées les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles et comme irrecevables les conclusions indemnitaires faute de liaison du contentieux. Mme K... A... et autres relèvent appel de ce jugement.
2. Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public. Eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. En conséquence, une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit.
3. Si les requérants se prévalent de l'existence d'une convention d'occupation du domaine public élaborée et signée par la commune de Fos-sur-Mer leur conférant un droit d'occupation des terrains en cause, ils n'ont jamais été en mesure de produire l'acte correspondant, ni en première instance, ni en appel. La commune, qui fait valoir qu'elle n'a pas retrouvé trace dans ses archives d'un titre d'occupation signé dont l'existence est alléguée dans la présente instance, n'est pas davantage en mesure de produire un acte écrit. Il résulte de l'instruction qu'elle a toutefois toléré la présence des intéressés sur ces dépendances, certifiant ainsi selon une attestation établie le 17 août 2007, qu'ils résidaient sur le site de la Feuillane sans qu'il ne soit perçu de redevance pour cet emplacement. Toutefois, en l'absence d'un document écrit, signé des deux parties, ces indications ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'une convention habilitant Mme K... A... et autres à occuper le domaine public. Par ailleurs, si les ordonnances par lesquelles le juge des référés fait usage de ses pouvoirs de juge de l'urgence sont exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires, elles sont, compte tenu de leur caractère provisoire, dépourvues de l'autorité de chose jugée. Il en résulte que si le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, dans une ordonnance du 17 janvier 2018 rejetant pour défaut d'urgence une demande d'expulsion des intéressés, mentionné " qu'il était constant que ceux-ci bénéficiaient depuis l'année 1997 de conventions d'emplacement ", cette circonstance n'est pas davantage de nature à établir l'existence d'une ou de plusieurs conventions d'occupation du domaine public à leur profit.
4. Il est vrai que par des courriers du 18 octobre 2017 le maire de Fos-sur-Mer a informé Mme K... A... et autres de sa volonté de mettre fin à la convention d'emplacement qui les liait antérieurement à la commune et leur a indiqué que ces courriers valaient dénonciation de cette convention. Toutefois, en l'absence de tout acte écrit valant convention d'occupation du domaine public, ces décisions, qui entendaient résilier des actes inexistants, étaient superfétatoires. Par suite, Mme K... A... et autres étaient irrecevables à les contester devant le tribunal administratif pour demander la poursuite des relations contractuelles.
5. Enfin, en conséquence de ce qui précède, les requérants ne peuvent invoquer la faute contractuelle qu'aurait commise la commune de Fos-sur-Mer en prononçant la résiliation des conventions d'occupation dont ils se prévalent pour demander la condamnation de la commune de Fos-sur-Mer à leur verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme K... A... et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Leur appel doit par suite être rejeté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de leurs conclusions indemnitaires de première instance.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme K... A..., de M. F... C..., de Mme L... A..., de M. B... I..., de M. H... C... et de M. M... C... la somme que la commune de de Fos-sur-Mer demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée au même titre par Mme K... A..., M. F... C..., Mme L... A..., M. B... I..., M. H... C... et M. M... C..., la commune de de Fos-sur-Mer n'étant pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Fos-sur-Mer présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... A..., M. F... C..., Mme L... A..., M. B... I..., M. H... C..., M. M... C... et à la commune de Fos-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. E..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.
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N° 19MA03363
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